Entre l’administration Trump et Harvard, un bras de fer politique et économique

Donald Trump a intensifié, mercredi 16 avril, ses critiques à l'égard de la prestigieuse institution de Harvard, menaçant ainsi de la priver de subventions fédérales et du droit d'accueillir des étudiants étrangers.

Harvard "enseigne la haine et l'imbécilité" et "ne devrait plus recevoir de fonds fédéraux", a ainsi écrit le président américain sur Truth Social, son réseau social de prédilection.

Accusée de complaisance face à l’antisémitisme lors des manifestations propalestiniennes ayant suivi les attaques du 7 octobre 2023 et l’offensive militaire israélienne à Gaza, l’université de Harvard, située dans l’agglomération de Boston (Massachusetts), est devenue la cible de la colère du président républicain. France 24 vous propose de revenir sur les grandes étapes de cette querelle politique et économique.

L'administration Trump envoie des injonctions à Harvard

L'université privée, dotée d'un immense patrimoine de plus de 50 milliards de dollars, bénéficie d'une exemption vis-à-vis de l'administration fiscale fédérale ainsi que de l'État du Massachusetts.

À la fin de la semaine dernière, les responsables de l'université Harvard tentaient de déchiffrer ce que l'administration Trump attendait de l'école pour lutter contre l'antisémitisme.

Le gouvernement avait formulé certaines demandes simples, comme l'exigence pour l'université d'interdire les masques, souvent portés par les manifestants, comme le soulignent nos confrères du New York Times.

Puis, tard dans la nuit du vendredi 11 avril, le gouvernement fédéral a envoyé à Harvard une salve de cinq pages de nouvelles injonctions visant à redéfinir en profondeur le fonctionnement de l’université : ses admissions, ses recrutements, son corps enseignant et la vie étudiante.

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Les dirigeants de Harvard prennent le risque de dire "non"

La présidence de l'université a marqué les esprits lundi en s'opposant publiquement aux demandes de Washington, destinées notamment, selon la Maison Blanche, à lutter contre l'antisémitisme dans les campus.

Dans une lettre adressée aux étudiants et aux enseignants, le président de l'université, Alan Garber, a rappelé que l'institution avait déjà engagé des actions contre l'antisémitisme depuis plus d'un an et assuré qu'elle n'abandonnerait pas "son indépendance, ni ses droits garantis par la Constitution", comme le premier amendement sur la liberté d'expression.

"Aucun gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, ne doit dicter aux universités privées ce qu'elles doivent enseigner, qui elles peuvent enrôler et embaucher, ni quelles sont les matières sur lesquelles elles peuvent mener des recherches", a-t-il ajouté.

Un gel de 2,2 milliards de dollars

Deux jours après, l’administration a coupé 2,2 milliards de dollars de subventions fédérales pluriannuelles à l'établissement.

Près de 7 milliards de dollars supplémentaires sont désormais en jeu, notamment des financements alloués aux hôpitaux affiliés à Harvard. Même pour la plus riche université du monde - dont le fonds de dotation s’élève à environ 53 milliards de dollars - un gel prolongé des aides fédérales porterait un coup sévère aux laboratoires, aux départements, et jusque dans les salles de classe, rapporte le New York Times.

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Donald Trump intensifie ses critiques

Donald Trump a demandé mardi à l'institution de "s'excuser" et fustigé l'exemption fiscale dont elle bénéficie, estimant qu'elle devrait "être imposée comme une entité politique, si elle continue de défendre sa folie politique, idéologique, inspirée par/soutenant le terrorisme".

Deux médias, CNN et le Washington Post, ont indiqué mercredi que Donald Trump avait en outre formellement demandé aux services fiscaux de supprimer l'exemption d'impôts accordée à Harvard.

Dans ce face-à-face, cristallisation du bras de fer entre le président conservateur et les grandes universités des États-Unis, Donald Trump a rétorqué que Harvard, vieille de quatre siècles, ne pouvait "plus être considérée comme un lieu d'apprentissage décent et ne devrait figurer sur aucune liste des grandes universités dans le monde".

L'institution recrute essentiellement "des gauchistes radicaux, des idiots et des cervelles de moineau", selon lui.

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Quel dénouement pour la suite ?

Outre les enjeux financiers colossaux pour Harvard, certains chercheurs se voient dans l’obligation d’arrêter immédiatement leurs recherches. C’est le cas notamment de Sarah Fortune, une chercheuse largement reconnue, sommée de mettre un terme à ses recherches sur la tuberculose par la structure fédérale qui la finance, les NIH - National Institutes of Health - a fait savoir à l'AFP l'école de santé publique d'Harvard.

Harvard se distingue néanmoins de l’université new-yorkaise de Columbia, , qui a accepté d'engager de profondes réformes, vues par certains détracteurs du président républicain comme une capitulation devant l'administration Trump.

Les répercussions se font donc ressentir à l’échelle nationale, car l’administration Trump semble déterminée à remettre en cause la relation entre le gouvernement et les universités — un partenariat historique aux États-Unis, qui s’est épanoui depuis la Seconde Guerre mondiale, toujours selon le New York Times.

Avec AFP