La musique qui se déverse dans une fête de mariage ou qui s’insinue dans l’auto via un radiocassette, celle qui fait danser, sourire et pleurer. Dans La Mer au loin, cette musique mélancolique et festive qu’est le raï rassemble aussi. Elle agrège un groupe de jeunes Marocains venus s’exiler à Marseille pour goûter à une autre vie que la leur. Il y a Nour, Houcine, Khaled et Fadela, la fille de la bande. Clandestins, ils vivent de combines illégales et espèrent sans trop se ronger les sangs. Emballer une « Miss Visa » est un de leurs buts mais, en attendant, la vie à Marseille dans ces années 1990 est une fête à laquelle ils entendent bien participer.
Cette soif de gaieté, puissant diluant du sentiment d’arrachement, est une des premières choses qui accrochent le spectateur dans le film de Saïd Hamich Benlarbi. On ne va pas s’apitoyer. Pas encore, la vitalité joyeuse de ces quatre-là préserve le film d’un ton sentencieux ou pathétique. En brossant le portrait de Nour (Ayoub Gretaa) sur une dizaine d’années et en quelques chapitres tout en ellipses, le réalisateur franco-marocain esquive la peinture convenue de l’immigré clandestin pour évoquer plus largement le maelstrom intérieur provoqué par l’exil.
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«Un aspect désuet apaisant»
Étranger en France, loin de sa famille, il ne reste souvent que les rencontres. Celle de Nour avec Serge (Grégoire Colin), un policier intriguant, et de sa femme Noémie (Anna Mouglalis) va être déterminante. Elle permettra au jeune Marocain de décrocher le sésame, ses papiers français, de se trouver une nouvelle famille, une épouse et un métier. Un parcours presque trop facile qui n’est pas étranger au sentiment de tiraillement qui anime le héros. Où est vraiment sa place ? A-t-il trahi les siens ? Ses sentiments amoureux sont-ils sincères ?
Nour se laisse porter là où le courant l’emmène, ne s’oppose jamais, comme s’il n’avait pas le choix. Ayoub Gretaa lui prête son sourire lumineux et exprime parfaitement cette fragilité inhérente à tout étranger dans un pays qui n’est pas le sien. Le réalisateur embarque son personnage dans une destinée qui semble le dépasser, ne craint pas le mélo, ni même un certain romantisme qui donne à son film un aspect désuet apaisant, sentiment renforcé par la description d’une Marseille interlope et chaleureuse qui ne doit plus exister ainsi avec cette musique en fond sonore. On devrait réécouter du raï.
L’avis du Figaro : 3/4.