Le propriétaire du Time Magazine tacle Kamala Harris, qui n’a pas voulu répondre aux questions des journalistes
Quelle présidente Kamala Harris serait-elle, s’est demandé cette semaine le Time Magazine ? Immigration, écologie, armes à feu... Le célèbre hebdomadaire américain s’interroge en particulier sur les changements de pied sur certains sujets de la candidate démocrate, aujourd’hui moins marquée à gauche que durant sa précédente campagne lors des primaires de 2020. S’agit-il d’un «pivotement prévisible vers le centre», classique durant une campagne présidentielle où l’électorat indépendant fait souvent la différence, ou «des volte-face nécessitant une explication» ? La réponse du Time est toute en nuances, mais le magazine regrette de ne pas avoir pu poser directement la question à la principale intéressée.
«Harris a refusé les demandes répétées d'interview», regrette la journaliste à l’origine de l’article, pour qui ce regrettable silence n’est pas un cas particulier : «Elle a évité de rendre compte de manière approfondie de l'évolution de sa politique, en s'adressant rarement aux journalistes. Lorsqu'elle réalise des interviews, elle privilégie principalement les médias locaux, les podcasts culturels ou les talk-shows conviviaux». Le constat est d’autant plus gênant pour Kamala Harris que Donald Trump, lui, s’est plié à l’exercice, et Joe Biden également, avant qu’il jette l’éponge. Le candidat républicain «a parlé de sa vision politique avec un journaliste du Time pendant 90 minutes à travers deux interviews», peut-on lire sous la plume de Charlotte Alter, qui évoque une «longueur similaire» pour l’interview de l’actuel président démocrate.
«Pourquoi ne s’engage-t-elle pas ?»
Plus improbable, le propriétaire du journal, le milliardaire Marc Benioff, s’est insurgé sur le réseau social X, à l’appui de cet article. «Malgré de nombreuses demandes, le Time n'a pas obtenu d'interview de Kamala Harris, contrairement à tous les autres candidats à la présidence. Nous croyons en la transparence et nous publions chaque interview dans son intégralité. Pourquoi la vice-présidente ne s'engage-t-elle pas avec le public au même niveau ?», s’est-il interrogé, en renvoyant vers la retranscription des échanges avec Trump et Biden. Marc Benioff, ancien soutien de Barack Obama, mais qui a coprésidé un comité présidentiel sur les questions technologiques sous George W. Bush, n’est pourtant pas connu pour être républicain, même s’il ne se définit pas non plus comme démocrate.
Comme de nombreux milliardaires américains, le fondateur du groupe informatique Salesforce, qui possède le Time depuis 2018, a été un donateur à la fois du parti démocrate et du parti républicain, mais a plus donné au premier (plus de 800.000 dollars depuis les années 1990) qu’au second (environ 300.000 dollars), rapporte Newsweek. Il est en tout cas extrêmement rare qu’un propriétaire de grands médias rende ainsi publiques des critiques à trois semaines d’une élection présidentielle.
Donald Trump n’est pas en reste
Depuis qu’elle a annoncé sa candidature en juillet, Kamala Harris est régulièrement critiquée pour éviter tout débat de fond avec les journalistes, préférant les belles images façonnées par son équipe de campagne. Un peu comme un certain... Donald Trump, qui parle certes énormément, jouant même la carte de l’omniprésence médiatique, mais rarement en présence d’interviewers qui pourraient le déstabiliser. Son débat raté face à Kamala Harris ne l’a pas encouragé à changer de stratégie. Il a depuis refusé de participer à l’émission 60 Minutes pour laquelle la démocrate, elle, n’a pas fait faux bond.
Et l’ancien président républicain a catégoriquement refusé un second débat avec Kamala Harris, que proposaient CNN et Fox News. A contrario, la candidate démocrate a justement accepté une interview à Fox News ce mercredi 16 octobre. L’enjeu est décisif pour la vice-présidente qui se retrouvera ainsi invitée de la principale chaîne conservatrice, alors qu’elle s’essouffle dans les sondages et qu’une légère inquiétude point dans les rangs démocrates. Dans ce contexte, la colère de Marc Benioff est tout sauf anecdotique. Elle souligne en creux le bruit médiatique qui couvre cette campagne présidentielle où les débats de fond peinent péniblement à émerger.