Il est ardu de concevoir une suite à un film aussi marquant que le Joker . Le portrait du sociopathe, sorti en 2019, évoquant L'Homme qui rit (1869) de Victor Hugo, avait été récompensé du Lion d’or à la Mostra de Venise et avait permis de rapporter à la Warner plus d’un milliard de dollars.
Avec un budget trois fois plus important, le réalisateur Todd Phillips pensait-il pouvoir faire mieux ? Pour Étienne Sorin, critique cinéma au Figaro, Joker - Folie à deux n’est au final «qu'une resucée du premier volet». Frédéric Foubert, critique pour le magazine Première , regrette «une suite presque intégralement consacrée à ressasser les événements du premier film». »Le film fait l'effet d'une douche glaciale. Le résultat est si monotone, si vide d'idées, d'envie et d'énergie », écrit-il.
Jacques Mandelbaum, au Monde , se montre encore moins convaincu. Joker 2 contient «trois fois moins d'action que le précédent » et se résume à « une comédie musicale claquemurée en studio où le prolo bipolaire Arthur Fleck, alias le Joker et son nouvel amour, l'érotomane Lee Quinzel, alias Harley Quinn, passent le plus clair de leur temps à pousser la chansonnette».
Vraiment ? Ce n’est pas l’avis de Nathalie Chifflet, des Dernières nouvelles d’Alsace, qui a vu «la comédie la plus dingue de l’année». « C'est beau, grand, musical, sombre, violent, émouvant et romantique à la fois : du grand art », estime Renaud Baronian du Parisien. Théo Ribeton des Inrockuptibles félicite Todd Phillips d’avoir « livré un film musical incandescent, mû par une volonté profonde de résister aux injonctions hollywoodiennes. »
À l’étranger, le film est également accueilli froidement. Vanity Fair déplore «un film ennuyeux et sans intérêt» ; « un peu léger voire parfois ennuyeux » insiste The Hollywood Reporter . « Contre toute attente, ce film ingénieux et profondément dérangeant finit même par être larmoyant », écrit Geoffrey Macnab du quotidien britannique The Independent . The Guardian - qui considérait le premier volet «ennuyeux et strident» - souligne une amélioration et un « excellent» casting secondaire.
«Joker lugubre et pleurnichard»
En 2019, Joaquin Phoenix perd 23 kg et gagne un Oscar pour son interprétation d'Arthur Fleck. Pour le deuxième volet du criminel de Gotham, l’acteur a dû se cantonner, non sans peine, à un nouveau régime strict après avoir retrouvé un poids de forme pour Beau is Afraid, d'Ari Aster, et Napoléon, de Ridley Scott. Sa transformation physique impressionne toujours à l’écran et semble à la hauteur de sa prestation pour Jacques Morice, critique à Télérama : «Joaquin Phoenix impressionne d'emblée et reste époustouflant jusqu'au bout (...) Mutique, Fleck est un mort-vivant qui attend son procès pour les cinq crimes qu'il a commis.» Dans le dernier acte, Arthur Hachez du Huffpost , « retrouve partiellement la performance de l'acteur qui lui a valu tant de récompenses ».
Frédéric Foubert (Première) n’est pas emballé par sa prestation musicale : « On se raidit sur son siège dès que Phoenix commence à pousser la chansonnette et qu'on comprend qu'il va passer les cinq minutes suivantes à massacrer Bewitched ou For once in my life.» «Le Joker lugubre et pleurnichard de Phoenix n'arrive décidément pas à la cheville de celui de Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton. Au moins, sous son rictus macabre, Nicholson mettait les rieurs de son côté », ajoute Étienne Sorin.
Lady Gaga méritait mieux
« Lady Gaga a un talent d’actrice et de comédienne exceptionnelle [mais] l’histoire ne donne pas beaucoup de chances au personnage de se développer », regrette le Guardian . Dans Libération , Olivier Lamm affirme que « Harley Quinn ne relève hélas pas le niveau » d’une suite ratée. Pour la journaliste de TF1 Delphine De Freitas, la chanteuse et actrice est « à la fois douce et mystérieuse, elle est impeccable, affirmant également qu’elle aurait mérité plus de temps à l'écran. »