«Dry january» : la pause d’alcool en janvier donne des «améliorations immédiates sur le sommeil, le niveau d’énergie et la concentration»

C’est une initiative qui ne plaît pas aux lobbys de l’alcool. Inspiré du «Dry January» lancé en 2013 au Royaume-Uni, le «défi de janvier» vous propose de faire une pause dans votre consommation de boissons alcoolisées pendant un mois. L’année dernière, plus de 4,5 millions de personnes y auraient participé, selon une étude menée par des équipes françaises. «Il ne s’agit pas d’être prohibitionniste ou moraliste, mais de faire prendre conscience que l’on n’est pas obligé de boire à chaque fois que l’occasion se présente», souligne le Dr Bernard Basset, médecin de santé publique et président d’Addictions France. Pour aider à relever le défi, une application est disponible sur téléphone. 

N’en déplaisent aux rabat-joie, les effets se font sentir dès les premiers jours d’abstinence. «Les études confirment qu’il y a des améliorations immédiates sur le sommeil, le niveau d’énergie, la concentration ou encore sur la tension artérielle», indique le Dr Basset. En revanche, l’impact sur la santé sur le long terme est plus difficile à mesurer. «On sait qu’à long terme, l’alcool favorise plusieurs cancers comme ceux de la sphère digestive ou du foie et que le risque est proportionnel à la quantité d’alcool que l’on consomme», souligne le médecin. Or «les données montrent que les participants qui relèvent le défi tendent à réduire leur consommation et que cette réduction se maintient dans les six mois qui suivent», renseigne le médecin. Donc indirectement, le mois sans alcool pourrait contribuer à réduire le risque de cancer.

C’est un fait encore insuffisamment connu : l’alcool représente la deuxième cause évitable de décès par cancer en France, avec environ 28.000 nouveaux cas chaque année. D’ailleurs, une large part des cancers de l’œsophage, du pharynx, de la bouche, du foie et, dans une moindre mesure, du côlon et du sein, sont directement dus à la consommation d’alcool. Un risque proportionnel à la quantité d’alcool consommée, quel que soit le type de boissons. Pour le limiter, il est recommandé de ne pas dépasser plus de 10 verres par semaine (deux par jour), avec au moins deux jours dans la semaine sans alcool.

Débanaliser la consommation d’alcool

Au-delà des effets immédiats, l’objectif de cette campagne est d’encourager chacun à faire le point sur sa consommation. «Ce n’est pas parce qu’on boit qu’on est addict, mais il y a une partie de la population qui a développé une addiction - de l’ordre de 4 millions de personnes en France. Il faut débanaliser la consommation d’alcool», exhorte le Dr Bernard Basset.

Outre son impact sur les cancers, les maladies cardiovasculaires ou encore les maladies du foie, l’alcool est impliqué dans une large part des agressions sexuelles, des féminicides et des accidents de la route. Rien qu’en soins, un rapport de 2010 avait estimé que les dégâts sur la santé dus à l’alcool coûtaient environ 8,4 milliards d’euros chaque année, contre 3,2 milliards de recettes fiscales. «La consommation d’alcool coûte plus à l’État qu’elle ne lui rapporte», avait d’ailleurs estimé la Cour des comptes dans un rapport. Ce calcul ne prenait toutefois pas en compte tous les paramètres, notamment les 500.000 emplois que porte ce secteur. 

Une campagne de prévention face aux lobbys 

Preuve de son succès, le «Dry january» a fortement pesé sur le secteur l’année dernière. En volume, les ventes ont reculé de 6,4% en supermarché en janvier 2024 par rapport à janvier 2023. Au contraire, la vente des boissons sans alcool avait progressé d’environ 5 points. Une tendance qui inquiète les professionnels de ce secteur qui représente chaque année environ 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires. 

Ces dernières années, les représentants de la filière ont multiplié les manœuvres pour empêcher la promotion du «Défi de janvier». «À l’automne 2019, Santé publique France devait faire une campagne de prévention. Tout était prêt, mais les chefs de file de la filière viticole ont obtenu du président de la République son annulation», se souvient Bernard Basset. Très récemment, une enquête de la cellule investigation de Radio France a montré comment le lobby de l’alcool pesait de tout son poids pour empêcher toute nouvelle taxe, orienter les messages de prévention ou encore limiter la communication autour du mois sans alcool. 

Cette année encore, les associations de santé publique sont donc seules pour mener cette campagne. «Nous avons demandé une subvention au Fonds de lutte contre les addictions, mais nous avons appris cette semaine qu’elle a été refusée, sans explication», déplore le Dr Basset. De l’aveu du médecin, le budget que les associations sont parvenues à mobiliser pour cette campagne nationale est dérisoire : 60.000 euros.