Renoncement au 49.3 de Sébastien Lecornu : soutien de la majorité, scepticisme à gauche, «pas de rupture» selon le RN

Avant de recevoir les partis d’opposition à Matignon ce vendredi matin, le premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé qu’il «renonçait» à utiliser l’article 49.3 de la Constitution. Ce dernier, utilisé à de nombreuses reprises par les chefs des derniers gouvernements, permet de faire adopter un texte sans vote, au risque d’exposer le gouvernement à une motion de censure. En y renonçant, Matignon mise sur une méthode parlementaire plus classique et sur des majorités de circonstance.

L’annonce n’a pas manqué de faire réagir. Au Parti socialiste, Boris Vallaud se dit, sur franceinfo, peu convaincu : le 49.3 disparaît, mais «d’autres outils» existent pour verrouiller le débat, et «aucun compromis» n’est sur la table. Le PS veut des gages concrets (retraites, fiscalité). De son côté, Olivier Faure note que le premier ministre «acte un changement de méthode», tout en tempérant que le PS «allait vérifier que l’intention qu’il affiche est une intention qui va jusqu’au bout, et qu’elle n’est pas simplement une habileté».

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La gauche sceptique

Le communiste Fabien Roussel juge «raide» de censurer d’emblée un gouvernement qui renonce au 49.3 - tout en avertissant qu’il n’acceptera «pas d’arnaques». Chez les écologistes, Benjamin Lucas parle d’un «leurre» destiné à gagner du temps. La France insoumise maintient sa stratégie de censure «dès la nomination» du gouvernement, voyant dans la manœuvre la confirmation d’un accord implicite avec la droite et le RN.

Pour la vice-présidente de l’Assemblée nationale Clémence Guetté (LFI), il s’agit d’une «promesse qui n’engage que ceux qui ont l’habitude de croire à celles des macronistes, désormais ouvertement alliés à l’extrême droite.» Sébastien Lecornu «impose la ligne de Macron : ni abrogation de la réforme des retraites, ni impôt sur les ultra-riches, ni hausse des salaires», fustige-t-elle sur X.

Le RN juge qu’il n’y a «pas de rupture»

Marine Le Pen juge le choix «plus respectueux de la démocratie» et constate que les députés retrouvent du pouvoir, tout en affirmant ne «pas voir la rupture avec le macronisme» à ce stade. Sur BFMTV, le porte-parole du parti à la flamme Andréa Kotarac a rappelé que le premier ministre est associé aux 49.3 passés : «On n’est pas dupes. Sébastien Lecornu est au gouvernement depuis 8 ans, et depuis 8 ans on a 28 49.3», a-t-il lancé.

La députée RN du Vaucluse, Bénédicte Auzanot, estime sur X que le renoncement de Sébastien Lecornu au 49.3 ne traduit pas une ouverture au dialogue, mais révèle sa faiblesse politique. Elle dénonce un premier ministre «sans majorité» et un président «sans légitimité», poursuivant selon elle une politique sans l’accord des Français.

Dans la majorité, soutien à la «voie du dialogue»

La majorité s’est montrée plus clémente et a salué l’annonce du locataire de Matignon. La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet «salue un acte de confiance» envers les députés, appelant à un débat «apaisé et constructif»Élisabeth Borne, qui avait utilisé 23 fois les 49.3 lorsqu’elle était cheffe du gouvernement, salue aussi un «chemin du dialogue». Le président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale Gabriel Attal a de son côté noté «la décision courageuse du premier ministre» sur X, dans un contexte où il juge nécessaire «d’assurer la stabilité de la France».

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Le ministre démissionnaire de l’Intérieur Bruno Retailleau a quant à lui jugé que «dans un contexte d’absence de majorité», renoncer au 49.3 est «un choix qui se comprend, à condition qu’une coalition des démagogues n’aboutisse pas au vote d’un budget qui serait contraire aux intérêts supérieurs de notre pays».

Depuis 2022, le passage en force au 49.3 a rythmé la séquence budgétaire, au prix de motions de censure - l’une ayant même renversé Michel Barnier fin 2024. C’est ce cycle que Sébastien Lecornu dit vouloir rompre en assumant «le moment le plus parlementaire de la Ve République». Reste à voir si les compromis naîtront à temps pour le budget 2026.