Ils n’ont pas tardé à réagir. Sitôt l’Élysée officialisait, ce mardi soir, la nomination du ministre des Armées Sébastien Lecornu à Matignon que les principaux responsables politiques livraient leurs premiers commentaires, sur les réseaux sociaux ou à la télévision. Au lendemain de la chute de François Bayrou, renversé à l’issue d’un vote de confiance qu’il avait sollicité sur sa feuille de route budgétaire, il est peu de dire que son successeur est attendu au tournant.
Peu importe qu’Emmanuel Macron ait, fait rare dans un communiqué, officiellement «chargé de consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la nation» et «bâtir (des) accords», les oppositions restent méfiantes. Voire en colère face à un président qui choisit, pour la troisième fois depuis la défaite de son camp aux législatives, un premier ministre issu de la coalition du «socle commun», associant le bloc central à la droite.
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Passer la publicitéÀ commencer par la gauche, qui étale une nouvelle fois ses divisions. Du côté des Insoumis, l’agacement domine. Sur le réseau social X, le fondateur de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon a dit percevoir la nomination de Sébastien Lecornu comme la «triste comédie du mépris du Parlement», à laquelle Emmanuel Macron pourrait «mettre un terme» en démissionnant. Et de feindre de s’interroger sur la pertinence d’un tel choix : «Lecornu, l’homme qui a cédé devant Trump et promis 5% du PIB à l’Otan et aux USA, et cautionné le grand n’importe quoi en Ukraine. Pourquoi est-il premier ministre ? Quelle est sa réussite ?», a pourfendu le triple candidat à la présidentielle.
Même mécontentement du côté des Écologistes : sur BFMTV, leur chef de file Marine Tondelier a dénoncé une «provocation». «Emmanuel Macron est en train de se restreindre de plus en plus sur son premier cercle», a grincé la conseillère régionale des Hauts-de-France, fustigeant un «non-respect total des Français, qui ne sont pas respectés sur le plan social, sur le plan de l’environnement et sur le plan démocratique». Si elle «doute» que les discussions entre le premier ministre et les forces partisanes «auront un impact» sur le futur projet budgétaire, Marine Tondelier n’exclut pas toutefois de se rendre à Matignon pour échanger avec Sébastien Lecornu.
«Le risque de la colère social et du blocage institutionnel» pour le PS
Quant au Parti socialiste (PS), il souffle le chaud et le froid. D’un côté, le parti à la rose estime qu’Emmanuel Macron «prend le risque de la colère sociale légitime et du blocage institutionnel du pays» et «s’obstine dans une voie à laquelle aucun socialiste ne participera.» De l’autre, il ouvre la voie à d’éventuelles négociations en vue de conclure un accord de non-censure : «Sans justice sociale, fiscale et écologique, sans mesures pour le pouvoir d’achat, les mêmes causes provoqueront les mêmes effets», prévient-il. Quand le communiste Fabien Roussel rappelle ses priorités : «La justice sociale, la justice fiscale, la paix».
La droite nationaliste, elle, laisse planer le doute sur ses intentions. «Nous jugerons - sans illusion - le nouveau premier ministre sur pièces, à ses actes, à ses orientations pour donner un budget à la France, et ce à l’aune de nos lignes rouges», a mis en garde Marine Le Pen qui, forte de diriger le premier groupe d’opposition à l’Assemblée, est en mesure de faire tomber de nouveau le prochain gouvernement. Avec Sébastien Lecornu, «le président tire la dernière cartouche du macronisme», poursuit la chef de file des députés RN, tout en prédisant que son successeur «s’appellera Jordan Bardella».
Le patron du parti à la flamme, lui, a commenté le remplacement de François Bayrou par Sébastien Lecornu par une saillie moqueuse : «On ne change pas une équipe qui perd.» «Comment un fidèle du Président pourrait-il rompre avec la politique qu’il conduit depuis huit ans ?», a vilipendé le dauphin de Marine Le Pen, qui se dit à «la disposition» de Sébastien Lecornu «pour rappeler» les «lignes rouges» du RN «au nom des millions de Français qui attendent et espèrent une alternance».
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Passer la publicitéDans les rangs du «socle commun», on oscille entre soulagement et appels à la responsabilité. À la sortie du bureau politique des Républicains (LR), Bruno Retailleau s’est «félicité» que le nouveau premier ministre ne soit «pas socialiste», appelant à «trouver des accords» avec Sébastien Lecornu dans l’objectif de «construire un projet qui satisfasse la majorité nationale». Sur ce point, l’ancien premier ministre (2017-2020) Édouard Philippe a assuré sur TF1 que le Normand «avait les qualités» pour «discuter» et «essayer d’amener à la table des gens qui ne feront pas exactement ce qu’ils souhaitent, mais qui pourront s’entendre pour éviter que la France aille plus mal». «Il n’y a pas le choix», a insisté le candidat déclaré à la prochaine présidentielle .
Un cadre dans lequel se place également le chef de file des députés Renaissance Gabriel Attal. «Dans cette période si critique pour le pays, il est essentiel que les forces politiques se mettent autour de la table pour donner un budget à la France, assurer une stabilité pour les 18 prochains mois, et garantir le respect de l’ordre dans notre pays», a fait valoir l’ancien premier ministre, qui adresse «tous (ses) vœux de succès» à Sébastien Lecornu.