Édito. En misant sur la stratégie du clash, La France insoumise s'isole à gauche... et dans l'opinion

Les socialistes ne voteront donc pas la censure du gouvernement Bayrou "parce que la France a besoin d’un budget", disent-ils. Une décision qui provoque la colère de Jean-Luc Mélenchon, une de plus… Quand il est fâché, le leader insoumis noircit son blog. Lundi 3 février, il s’est précipité sur son clavier pour excommunier les socialistes du Nouveau Front populaire et acter leur ralliement au gouvernement Bayrou. Et ses troupes ont repris en chœur les mêmes cris d’indignation contre, je cite, "ces traîtres qui crachent à la figure des électeurs de gauche", des "pleutres", des "magouilleurs", des "saboteurs", et même, selon le député du Nord Ugo Bernalicis, des "traîtres à la Nation et au pays tout entier". À écouter les hurlements des insoumis, on pourrait craindre que les socialistes finissent par être traduits devant la Haute cour du NFP, voire passés par les armes pour haute trahison. 
  
Jean-Luc Mélenchon perpétue un grand classique de la gauche radicale qui consiste à exercer menaces et intimidations sur les réformistes, ceux que Lénine qualifiait dès 1918 de "sociaux traîtres à la solde des exploiteurs". Olivier Faure, lui, est repeint en "menteur, complice du macronisme", c’est la même chose... Jean-Luc Mélenchon, on le sait, la République, c’est lui ! Hé bien la gauche, la seule, la pure, la vraie, c’est encore lui ! Une annexion qui l’incite à purger de temps à autre les fidèles qui ne se plient pas à ses oukases, et à répudier les partenaires qui osent faire preuve d’indépendance d’esprit.      
 

La constitution d'un front anti-insoumis

Cette stratégie ne peut pas fonctionner. Elle conduit les insoumis dans le mur. D’abord parce que dans les dernières enquêtes, les deux tiers des électeurs de gauche, et même la moitié des insoumis, récusaient la perspective d’un blocage institutionnel et d’une France privée de budget. Ensuite parce Jean-Luc Mélenchon est le leader qui suscite le plus de rejet, bien plus que Marine Le Pen. Selon le dernier baromètre Odoxa, 81% des personnes interrogées, et même 64 % des électeurs de gauche, le considèrent comme un handicap pour son camp. Enfin parce que dans les urnes, un front anti-insoumis se constitue désormais pour faire barrage à LFI.

On l’a vu mi-janvier lors d’une législative partielle dans une circonscription de l’Isère, jusque là détenue par LFI, où la candidate macroniste a progressé de 40 points d’un tour à l’autre pour écraser son adversaire. Rebelote dimanche lors d’une municipale à Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val-de-Marne, où le député Louis Boyard a essuyé une cuisante défaite. À force d’outrances et de virulence, Jean-Luc Mélenchon a isolé ses troupes. Mais chez les insoumis, on ne change pas une tactique qui perd. Surtout quand c’est le Chef qui l’a décidée.