Age de départ, durée de cotisation, coût... Que changera la suspension de la réforme des retraites si elle est votée ?

La réforme des retraites va faire son retour au Parlement. Deux ans et demi après l'adoption sans vote du texte emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, qui prévoit de reporter l'âge légal de départ de 62 ans à 64 ans d'ici à 2030, le Premier ministre a proposé, mardi 14 octobre lors de sa déclaration de politique générale, de suspendre le texte "jusqu'à l'élection présidentielle" de 2027. Pour cela, il faudra passer par l'adoption d'une nouvelle loi. Cette décision, qui porte uniquement sur la mesure d'âge et la durée de cotisation, répond à une demande du Parti socialiste. Ce dernier a, en retour, accepté de ne pas censurer le gouvernement. Franceinfo vous résume les conséquences pour les Français d'un tel revirement, s'il est entériné par le vote des députés.

L'âge de départ sera gelé à 62 ans et 9 mois

Le Premier ministre a proposé de suspendre temporairement la réforme des retraites, qui vise à reporter l'âge légal de départ de 62 ans à 64 ans d'ici à 2030. Promulguée en avril 2023 et entrée en vigueur en septembre de la même année, elle prévoit de reculer, à raison d'un trimestre par année de naissance à partir de la génération née en 1961, l'âge de départ à la retraite jusqu'à atteindre 64 ans pour les personnes nées en 1968. Par ailleurs, elle fait passer la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein de 168 trimestres (42 années) à 172 trimestres (43 années) d'ici à 2027.

En l'état, une suspension bloquera l'âge de départ à 62 ans et 9 mois – comme c'est le cas depuis le 1er septembre 2025 – "jusqu'au 1er janvier 2028", selon Sébastien Lecornu, alors qu'il devait passer à 63 ans en 2026, puis 63 ans et 3 mois en 2027. "En complément, la durée d'assurance sera, elle aussi, suspendue et restera à 170 trimestres jusqu'à janvier 2028", a aussi annoncé le Premier ministre.

Cette suspension, saluée par le Parti socialiste et la CFDT, ne signifie pas l'abrogation de la réforme et le retour à la retraite à 62 ans. "Cette suspension consiste à mettre en pause le processus de réforme. Les modalités seront seulement décalées dans le temps et reprendront au même stade et au même rythme [après la suspension]", explique Annie Jolivet, économiste du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam).

Cette pause profitera aux personnes nées à partir de 1964

Depuis son entrée en vigueur au 1er septembre 2023, la réforme des retraites portée par Elisabeth Borne a décalé l'âge de départ à la retraite à 62 ans et 3 mois pour les personnes nées entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961, puis à 62 ans et 6 mois pour la génération 1962 et à 62 ans et 9 mois pour la génération 1963. Si elle est votée, une suspension de la réforme des retraites jusqu'au 1er janvier 2028 profitera aux générations nées en 1964 et ensuite.

Concrètement, les personnes nées en 1964 pourront partir à la retraite trois mois plus tôt à partir d'octobre 2026 (62 ans et 9 mois au lieu de 63 ans) et celles nées en 1965 six mois plus tôt. Les générations 1966, 1967 et 1968 pourront aussi profiter de cette suspension, dans l'hypothèse où le report de l'âge légal de départ reprend au même rythme en 2028. Selon le Premier ministre, "cette suspension bénéficiera à terme à 3,5 millions de Français".

Un coût estimé à "400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027"

Le Premier ministre a estimé que le coût de cette suspension, qui doit encore être votée au Parlement, serait de "400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027". Sébastien Lecornu propose notamment de compenser cette suspension "par des mesures d'économies". Au printemps, la Cour des comptes avait estimé que s'arrêter à un âge légal de 63 ans "aurait un coût complet de 13 milliards d'euros sur les finances publiques pour l'exercice 2035", dont 5,8 milliards d'euros de dégradation du solde des retraites, et 7,2 milliards de pertes de recettes publiques.

Une éventuelle suspension de la réforme aura ainsi un coût car "des salariés partiront plus tôt à la retraite, et donc les pensions seront versées" en avance par rapport à ce que prévoit la loi initiale, explique Anne Jolivet. Pour autant, selon l'économiste, ces dépenses supplémentaires pour l'Etat ne seront pas majeures. "Cela pourra apporter des dossiers supplémentaires pour les caisses de retraite et déstabiliser certains employeurs en précipitant des départs à la retraite prévus plus tard avec la réforme de 2023", ajoute-t-elle.