Labiche et son bourgeois, « perle de bêtises », dans Le Voyage de Monsieur Perrichon

C’est la première fois que Monsieur Perrichon, un riche carrossier (Cédric Colas) prend le train. Fier comme Artaban, il traîne à sa suite sa femme (Emmanuelle Galabru) et leur fille, Henriette (Messaline Paillet, moue candide). En tenue de sport d’hiver, ils sont prêts à dévaler les pentes de Chamonix. À la gare, ils tombent sur deux amis, Armand Desroches (Hugo Givort) et Daniel Savary (Arthur Guézennec, les deux acteurs se complètent idéalement), qui ont fait danser la jeune femme au bal. Amoureux d’elle, ils parient qu’ils vont gagner son cœur, à la loyale, toutefois. Objectif ? S’attirer les faveurs du père. À la montagne, les occasions de se distinguer sont légion d’autant que Perrichon brille par ses maladresses. Son amour-propre en prendra un coup.

Cette comédie en quatre actes d’Eugène Labiche écrite en 1860 est datée. Aujourd’hui, un père n’aurait pas l’idée de « donner » sa progéniture à un inconnu sans tenir compte de ses sentiments. C’est pourquoi Frédérique Lazarini l’agrémente de touches de modernité, et dans la forme, et dans le fond. Labiche observe le bourgeois tel un entomologiste passionné par son sujet, sans lui jeter la pierre : « Cet animal offre des ressources sans nombre à qui sait les voir, il est inépuisable ; c’est une perle de bêtise qu’on peut monter de toutes les façons », a-t-il dit. La metteuse en scène gomme avec pertinence la satire au profit d’un joyeux tourbillon.

Transbahuté

Les personnages semblent sortir d’une bande dessinée ou d’un film de Chaplin. Mus par une douce folie, ils évoluent sans répit en gesticulant, tels des pantins dans un wagon de train ou leur salon, affichent des sourires béats quelle que soit la situation. Sur le plateau, deux écrans géants voient défiler Perrichon, lunettes de soleil sur le nez, sur des skis ou au volant de sa voiture. Transbahuté hors de son confort douillet, le trio se révèle.

Frédérique Lazarini s’appuie sur une distribution réduite, mais complice. Les comédiens ont déjà plusieurs fois joué ensemble. Dans le rôle principal, Cédric Colas succède à Coquelin cadet, qui a créé le rôle à la Comédie-Française en 1906, devant des collégiens. Ce fut également le cas lorsque nous l’avons découverte et, magie du théâtre, d’abord bruyante, ils se sont calmés au fil de la représentation (leurs professeurs devaient, eux, se souvenir de Jean Le Poulain). Emmanuelle Galabru campe une épouse modèle et moqueuse, Messaline Paillet, une fille unique obéissante comme il faut. Enfin, Guillaume Veyre joue ici plusieurs rôles, dont l’intraitable Commandant Mathieu et Marjorin, le domestique malin des Perrichon.

« Le Voyage de Monsieur Perrichon », à l’Artistic Athévains (Paris 11e), jusqu’au 30 mars. Tél. : 01 43 56 38 32 ou aatheatre@gmail.com