En Indonésie, l'armée déployée face aux milliers de manifestants

Des milliers de personnes ont à nouveau manifesté lundi 1er septembre en Indonésie pour dénoncer les injustices sociales. Le mouvement de contestation qui a débuté lundi dernier a dégénéré après la mort, jeudi, d'un chauffeur de moto-taxi écrasé par un véhicule de police à Jakarta et dont la vidéo est devenue virale.

Quelque 500 manifestants se sont rassemblés lundi en début d'après-midi devant le Parlement national à Jakarta, sous la surveillance de dizaines de soldats et des policiers avant de se disperser en début de soirée sans incident. Le président Prabowo Subianto avait averti peu avant que les manifestations devraient se terminer avant le coucher du soleil.

À Gorontalo, sur l'île des Célèbes, des affrontements ont opposé des manifestants à la police, qui a riposté à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau, selon un journaliste de l'AFP.

À Bandung, sur l'île de Java, des manifestants ont lancé des cocktails Molotov et des pétards sur le bâtiment du conseil provincial.

À Palembang, sur l'île de Sumatra, une manifestation a réuni plusieurs milliers de personnes. Des centaines d'autres se sont rassemblées à Banjarmasin sur l'île de Bornéo et à Yogyakarta (centre), selon des journalistes de l'AFP.

"Notre objectif principal est de réformer le Parlement. Nous espérons que (les députés) viendront nous rencontrer. Nous voulons leur parler directement", a témoigné à l'AFP Nafta Keisya Kemalia, étudiante, tout en s'interrogeant : "Veulent-ils attendre que la loi martiale soit instaurée ?"

Contre une indemnité pour les députés

Les manifestations ont débuté lundi dernier pour protester contre des indemnités de logement attribuées aux députés et considérées comme trop élevées ainsi que contre les difficultés économiques que traverse le pays. Ces protestations sont les plus massives et violentes depuis l'arrivée au pouvoir de Prabowo Subianto en octobre dernier.

Dimanche, le président a tenté de répondre aux revendications des manifestants en annonçant la suppression d'une indemnité très décriée qui devait être versée aux députés.

Lundi, Prabowo Subianto a rendu visite à des policiers blessés dans un hôpital où il a stigmatisé les manifestants. "La loi prévoit que si vous voulez manifester, vous devez demander la permission, et la permission doit être accordée, et cela doit se terminer à 18 h", a-t-il martelé.

La mort d'un chauffeur de taxi-moto jeudi, écrasé par un véhicule de police, a mis de l'huile sur le feu, déclenchant une vague de colère contre les forces de l'ordre.

Lundi, Agus Wijayanto, en charge de la "responsabilité" au sein de la police nationale, a indiqué qu'une enquête avait révélé des actes criminels commis par deux officiers, dont le conducteur de la camionnette. Au total, sept officiers ont été arrêtés. Les deux officiers qui comparaîtront mercredi devant un tribunal d'éthique "pourraient être révoqués", a indiqué Agus Wijayanto.

Lundi, la police a installé des points de contrôle dans toute la capitale tandis que des militaires ont effectué des patrouilles dans toute la ville et déployé des tireurs d'élite. Les rues de la métropole, habituellement encombrées, étaient plus calmes que d'habitude, de nombreuses entreprises et administrations ayant prié leurs employés de travailler à domicile.

Des maisons de députés d'une ministre attaquées

"Le gouvernement indonésien est un désastre. Le cabinet et le Parlement n'écoutent pas les appels du peuple", a témoigné à l'AFP Suwardi – qui comme beaucoup d'Indonésiens ne porte qu'un seul nom –, 60 ans, vendeur de snacks, près du Parlement.

Aux incidents lors de manifestations se sont ajoutés ces derniers jours des pillages de maisons de plusieurs députés et de la ministre des Finances, Sri Mulyani Indrawati. Le bilan humain des troubles s'est lui alourdi à six morts.

Trois personnes sont mortes vendredi à Makassar (Célèbes du Sud), dans l'incendie d'un bâtiment public provoqué par des émeutiers. Un homme est mort vendredi, toujours à Makassar, battu par la foule qui le soupçonnait d'être un agent de renseignement. À Yogyakarta (centre), l'Université Amikom a confirmé la mort d'un de ses étudiants, Rheza Sendy Pratama, lors d'une manifestation, sans en préciser les circonstances.

Les tensions ont forcé Prabowo Subianto à annuler un déplacement officiel prévu cette semaine en Chine pour un défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Samedi, la plateforme de réseaux sociaux TikTok a annoncé suspendre pour "quelques jours" sa fonctionnalité "live" (direct) en Indonésie, "en raison de l'escalade de la violence lors des manifestations".

Avec AFP