«La diplomatie est la seule manière de résoudre les tensions» avec l’Algérie, plaide Jean-Noël Barrot
«Les autorités algériennes ont choisi l’escalade», a regretté le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sur France Inter ce matin. L’Algérie a expulsé douze fonctionnaires français en représailles au placement en détention d’un agent consulaire algérien, mis en examen pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, en relation avec une entreprise terroriste, selon le parquet national antiterroriste (Pnat). «Cette décision est regrettable et ne sera pas sans conséquences. Si l’Algérie persiste à vouloir expulser des fonctionnaires français, nous n’aurons pas d’autre choix que de prendre des mesures similaires», avait-il expliqué la veille sur France 2.
En conséquence, Paris a expulsé douze agents algériens et rappelé son ambassadeur pour consultations. Une crise diplomatique oppose la France et les autorités de ses anciens départements depuis plusieurs mois. L’Algérie refuse régulièrement de reprendre ses ressortissants malgré les obligations liées aux conventions entre les deux pays et le droit international. Bruno Retailleau souhaite y mettre fin et avait même proposé de revoir certains accords bilatéraux, très avantageux pour l’Algérie. Le Vendéen avait voulu instaurer «un rapport de force» avec l’Algérie à la suite de l’attentat de Mulhouse commis par un Algérien le 22 février 2025.
Celui-ci avait été refusé dix fois en quatorze mois par son pays. Devant le tollé, François Bayrou avait annoncé une «riposte graduée » face à l’Algérie. La France avait transmis une liste de cinquante-huit ressortissants dangereux à expulser en priorité. Une démarche qui a été rejetée. Bruno Retailleau porte «la responsabilité entière» de ce regain de tension, selon l’Algérie. Le pouvoir algérien a également placé Boualem Sansal, un écrivain franco-algérien de 80 ans et atteint d’un cancer, en détention, raidissant encore davantage les relations entre les deux pays.
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«Nous avons intérêt à avoir une relation normale avec l’Algérie»
«La France réplique avec fermeté et la plus stricte réciprocité. Mais il faut toujours, évidemment, donner sa chance au dialogue. C’est la seule manière de résoudre les tensions, et ceux qui vous disent l’inverse sont des irresponsables», a ajouté Jean-Noël Barrot ce matin. Ce dernier s’était rendu, le 6 avril dernier, en Algérie pour tenter d’apaiser la relation diplomatique, souvent compliquée par les comportements erratiques du pouvoir. «Nous avions obtenu des engagements et puis, vendredi dernier, la justice française, indépendante, a décidé d’arrêter trois Algériens et l’Algérie a pris cette décision brutale d’expulser nos fonctionnaires», a précisé le ministre. Bruno Retailleau, accusé par les autorités d’Alger d’être à l’origine des arrestations, «n’a rien à voir avec une décision judiciaire car en France la justice est indépendante», a défendu son collègue du Quai d’Orsay.
«Nous avons intérêt à avoir une relation normale avec l’Algérie pour expulser les Algériens en situation irrégulière, avoir un dialogue sur le renseignement et pour libérer Boualem Sansal. [...] Nous allons continuer d’exiger de l’Algérie qu’elle respecte ses obligations au regard du droit international», a assuré Jean-Noël Barrot. «Avec le Maroc voisin, nous avons réussi à normaliser nos relations. [...] Bruno Retailleau, qui y était en déplacement, est revenu avec de bonnes nouvelles et l’engagement marocain de doubler les laissez-passer consulaires», a-t-il ajouté.
L’Algérie est en conflit larvé avec le Maroc pour prendre le leadership régional. Toutefois, la France s’est rapprochée du Maroc et a reconnu sa souveraineté sur le Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole revendiquée par le Maroc, ce que conteste l’Algérie. Enfin, le ministre est revenu sur l’organisation à Marseille du forum Ancrages qui met en avant les diasporas africaines. «Je veux le dire aux diasporas africaines et surtout algériennes, elles sont une chance pour la France», a-t-il expliqué. «Elles ne doivent pas faire les frais de cette relation avec l’Algérie».