En Angola, la répression des manifestations contre la hausse du prix des carburants bascule vire aux « exécutions sommaires »
Des milliers d’arrestations se sont enchaînées et des dizaines de morts sont à déplorer. Parce qu’ils ont tenté de protester contre la hausse du prix des carburants, les chauffeurs de taxis angolais ont été la cible « d’exécutions sommaires ». C’est la conclusion qu’ont dévoilé, mardi 5 août, quatre ONG locales, dont une affiliée à l’Église catholique.
Ces manifestations, entachées par la répression des autorités, ont dévié en l’un des pires épisodes de violence depuis des années dans ce pays. La décision du gouvernement angolais d’augmenter les prix des carburants – fortement subventionnés – de 300 à 400 kwanzas (de 0,28 à 0,38 euro) par litre en juillet dernier a provoqué un vif mécontentement dans le pays d’Afrique australe.
Un taux de chômage de près de 30 %
Si l’Angola est le deuxième producteur de pétrole du continent, après le Nigeria, la population fait face à un grand niveau de pauvreté. Cette hausse a ainsi suscité la colère d’une grande partie des 36 millions d’habitants, déjà sous la pression d’une inflation d’environ 20 % et d’un taux de chômage de près de 30 %. Des dizaines de magasins et entrepôts de Luanda ont ainsi été pillées et des véhicules ont été attaqués les 28 et 29 juillet, dans le cadre de la grève de trois jours organisée par des chauffeurs de taxi. 118 entreprises ont été vandalisées et 24 bus publics attaqués.
« Au lieu de maintenir l’ordre public avec mesure, dans le respect de la loi et dignité humaine, l’action de la police a fait le couler le sang et entraîné des exécutions sommaires et arbitraires », accuse un collectif d’ONG mené par la Commission Justice et Paix de la conférence épiscopale des évêques catholiques. D’après la police angolaise, trente personnes, dont un de ses membres, ont trouvé la mort dans les violences et plus de 270 ont été blessées.
Parmi les victimes, la mort de Silvia Mubiala, mère de six enfants, tuée par balle alors qu’elle tentait de protéger son petit garçon, a choqué l’opinion sur les réseaux sociaux. Au total, plus de 1 500 personnes ont été arrêtées. Plusieurs vidéos partagées sur les réseaux sociaux montrent des « agents de la police nationale tirer de façon aveugle sur des foules », soulignent les ONG, qui appellent à des « enquêtes indépendantes ».
La chaîne de télévision locale Nzinga a filmé, mardi 29 juillet, des femmes pleurant près d’un corps dans une rue de Luanda. Aucun détail sur les circonstances de sa mort n’était immédiatement disponible. Dans la même zone, un jeune homme a été tué près d’un supermarché, apparemment par une balle perdue, selon un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
« Comment nourrirons-nous nos enfants ? »
« Nous sommes fatigués. Ils doivent annoncer quelque chose pour que les choses changent, pour que nous puissions vivre dans de meilleures conditions », a alerté un membre du cortège de Luanda, au micro de Nzinga. « Pourquoi nous faites-vous souffrir ainsi ? Comment nourrirons-nous nos enfants ? Les prix doivent baisser », a insisté une manifestante, en s’adressant au président João Lourenço.
Ce dernier préfère prendre le parti des autorités. Lors d’une prise de parole, vendredi 1er août, le dirigeant membre du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) – parti au pouvoir depuis l’indépendance du joug colonial portugais en 1975 – a dénoncé des « crimes punissables et condamnables » de la part des manifestants. S’il a présenté ses « plus sincères condoléances à toutes les familles endeuillées », il a ensuite adressé ses « remerciements aux forces de l’ordre ».
Human Rights Watch dénonçait pourtant l’usage excessif de la force par la police dès le 18 juillet dernier. L’ONG a notamment pointé les tirs des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc lors d’une manifestation datant du 12 juillet. De même, des groupes de la société civile ont condamné, dans une déclaration conjointe, l’arrestation, le 19 juillet, de l’un des organisateurs des manifestations, Osvaldo Sergio Correia Caholo. « Il est victime de l’oppression en Angola, où les droits et libertés fondamentales sont constamment bafoués », ont-ils alerté. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies (ONU) a réclamé, jeudi 31 juillet, une enquête sur la répression des manifestations.
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