Euro 2025 : Ann-Katrin Berger, le barrage allemand qui a survécu à deux cancers

Comme de nombreuses footballeuses, Ann-Katrin Berger arborent des tatouages. Mais celui qu'elle porte sur le cou a une signification toute particulière. "Tout ce que nous avons, c'est maintenant", a-t-elle inscrit derrière son oreille droite. Cette phrase est bien plus qu'une devise. Elle représente physiquement son combat contre la maladie. Cette représentation stylisée recouvre des cicatrices, traces de son traitement contre le cancer de la thyroïde, qu'elle a vaincu en 2017 et 2022.

À chaque match, la gardienne de l'équipe d'Allemagne savoure sa présence sur le terrain. Elle sait qu'elle revient de loin. "Je ne suis pas vraiment une personne émotive", a-t-elle ainsi réagi, samedi 19 juillet après la qualification de son équipe en quart de finale de l'Euro-2025 face à la France. "Ce que j'ai vécu ici me rend tout simplement fière. Ce qui s'est passé en 2022 appartient au passé. Je suis tournée vers l'avenir. Je vis désormais ma meilleure vie et je suis en demi-finale", a ajouté la joueuse, qui affrontera, mercredi 23 juillet, l'Espagne pour une place en finale.

Le tatouage de d'Ann-Katrin Berger est visible sur ce cliché où elle signe un autographe à un jeune supporter du Gotham FC, à Harrison, dans le New Jersey, le 4 mai 2024.
Le tatouage de d'Ann-Katrin Berger est visible sur ce cliché où elle signe un autographe à un jeune supporter du Gotham FC, à Harrison, dans le New Jersey, le 4 mai 2024. © ELSA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

"Des arrêts extraordinaires"

Ann-Katrin Berger fait plus que simplement vivre sa meilleure vie. À 34 ans, la portière de la DFB-Frauen est au sommet de son art. Lors de la victoire de son équipe contre les Bleues, elle a été décisive pour permettre à la sélection allemande d'accéder au dernier carré de la compétition. Alors que les Allemandes étaient réduites à dix et menées dès la 15e minute, elle a multiplié les parades. Pendant cette rencontre, elle a réalisé neuf arrêts, un record dans un match couperet de l'Euro depuis 2013.

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En prolongation, à la 102e minute, elle s'est tout particulièrement illustrée en empêchant un but contre son camp de la tête de sa coéquipière Janina Minge. Alors que le ballon semblait destiner à foncer dans son but, elle a réussi à plonger acrobatiquement en arrière pour le repousser de la main gauche. "Je ne pense pas avoir déjà vu un tel arrêt dans le football féminin", a salué la gardienne allemande remplaçante Ena Mahmutovic. 

Lors de la séance de tirs au but (1-1, tab 5-6), Ann-Katrin Berger n'a pas non plus tremblé, repoussant deux tirs des Françaises. "C'est une gardienne extraordinaire. Elle est si calme, si intelligente. Je savais qu'elle arrêterait les penalties", a également souligné sa coéquipière Sjoeke Nüsken, après la rencontre. "L'Allemagne a été héroïque, elle a bien défendu, avec une gardienne qui a fait des arrêts extraordinaires", a même reconnu le sélectionneur tricolore Laurent Bonadei.  

Elue joueuse du match, Ann-Katrin Berger est restée modeste. "Tout le mérite revient à l'équipe, et non à moi. C'était peut-être le moment décisif lors de la séance de tirs au but, mais tout le monde ici devrait saluer la performance de l'équipe, car c'était incroyable", a-t-elle simplement déclarée.

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La joueuse n'en est pourtant pas à son premier exploit. Il y a un an, aux Jeux olympiques de Paris, elle avait arrêté deux tirs au but et en avait marqué un en quart face au Canada (0-0, tab 4-2). Elle avait ensuite sorti à la dernière minute de la petite finale contre l'Espagne un penalty de la double Ballon d'or Alexia Putellas, permettant à son équipe de décrocher la médaille de bronze.

Sauvée par le football

Ce beau parcours aurait pu prendre fin prématurément en 2017 lorsqu'elle a appris qu'elle souffrait d'un cancer de la tyroïde, alors qu'elle jouait pour le club de Birmingham, après avoir porté pendant deux saisons le maillot du PSG. Malgré ce diagnostic, elle est revenue au football 76 jours plus tard et a été nommée dans l'équipe de l'année. Résiliente, elle a ensuite remporté cinq championnats d'Angleterre avec Chelsea (2019-2024), malgré une récidive de son cancer en 2022, avant de rejoindre l'équipe américaine du Gotham FC l'année dernière.

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"C'est une joueuse qui a vécu des expériences extrêmes", a résumé son sélectionneur Christian Wuck après la qualification en demi-finale. "C'est un trait de caractère très important. Je pense que sa foi et son parcours de vie lui ont permis d'être patiente, et la patience et le calme qu'elle apporte à l'équipe, elle l'a prouvé aujourd'hui".

Ann-Katrin Berger s'est appuyée sur sa passion pour surmonter sa maladie. "Vous devez vous concentrer sur quelque chose d'autre", avait-elle confié à Sky Sports en 2022. "Le football a sauvé mon cerveau et ma santé mentale parce que j'avais quelque chose sur lequel m'appuyer". Elle a aussi pu compter sur la présence à ses côtés de sa compagne, Jess Carter, joueuse de l'équipe de l'Angleterre et sa coéquipière à Gotham.

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Peu de temps après le début de leur relation, la gardienne a débuté son traitement contre le cancer de la thyroïde. "J'avais peur que ce soit trop pour Jess, mais elle m'a tellement soutenue", a-t-elle raconté au Guardian. Les deux footballeuses pourraient d'ailleurs se retrouver face-à-face en finale en cas de qualification de leurs deux équipes respectives.

Jess Carter, à gauche, et Ann-Katrin Berger posent pour les photographes à leur arrivée aux Glamour Women of the Year Awards 2023, le mardi 17 octobre 2023 à Londres.
Jess Carter, à gauche, et Ann-Katrin Berger posent pour les photographes à leur arrivée aux Glamour Women of the Year Awards 2023, le mardi 17 octobre 2023 à Londres. Scott Garfitt/Invision/AP - Scott Garfitt

La portière allemande peut aussi compter sur un autre supporter, son grand-père âgé de 92 ans. Après la victoire contre la France, elle s'est dirigée vers la caméra et a hurlé : "Papy, plus qu'un match !". "Ma motivation est qu'il vienne à la finale (ndlr: le 27 juillet à Bâle). Il a dit que les quarts de finale et les demi-finales ne valent pas le coup", avait-elle expliqué mi-juillet. "J'ai essayé de le convaincre, mais c'est un dur à cuire".