Port du voile, salle de prière... En entreprise, la fracture générationnelle se creuse face au fait religieux
C’est une véritable fracture générationnelle qui se dessine chez les actifs. En effet, les jeunes qui arrivent aujourd’hui sur le marché du travail se montrent bien plus ouverts au fait religieux en entreprise que leurs aînés, même de quelques années seulement, selon le dernier baromètre réalisé par Toluna et Harris Interactive pour le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), en partenariat avec l’Institut supérieur du travail (IST). Si la fréquence de ces manifestations est sensiblement stable depuis 2016, la posture des salariés a, elle, foncièrement évolué.
Sur le port du voile comme sur l’aménagement des horaires, les salariés de moins de 25 ans se montrent beaucoup plus ouverts que ceux de l’âge de leurs parents. Ainsi, 70 % des salariés de 18 à 24 ans sont favorables au port du voile en entreprise, contre 20 % pour les 50-65 ans. Idem pour les aménagements de travail (horaires, repas, habillement) en fonction de la religion (67 % pour les 18 à 24 ans contre 23 % pour les 50-65 ans) ou l’ouverture de salles de prière en entreprise (58 % contre 19 %). La différence se creuse également fortement entre les nouveaux actifs et la tranche d’âge située juste «au-dessus» (les 25-34 ans), avec des écarts de plus de 20 points de pourcentage.
De manière plus surprenante, sur certaines pratiques qui concernent les rapports entre les deux sexes, l’acceptabilité varie de plusieurs dizaines de points entre les tranches d’âge. Une des questions du sondage prend l’exemple du refus de s’asseoir à une place où une personne du sexe opposé s’est assise auparavant. Ou encore le cas où «un prestataire de services (livreur ou chauffeur de taxi/VTC, par exemple) refuse d’entrer en contact avec certains clients en raison du sexe de ces derniers», explique le rapport. De telles revendications sont jugées acceptables par près de la moitié des plus jeunes, contre à peine 10% pour les 50-65 ans.
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Les pratiques «invisibles»
Mais en pratique, les plus jeunes ne sont pas les plus à l’aise lorsqu’ils sont confrontés concrètement au fait religieux sur leur lieu de travail. Le rapport pointe ainsi un malaise constant, et paradoxalement prégnant chez les 18-25 ans. Plus de deux tiers des salariés ayant «eu connaissance de faits religieux dans (leur) entreprise» avouent avoir été «dérangés personnellement». Cette proportion dépasse les 70 % chez les moins de 25 ans, loin devant leurs aînés (50-65 ans), chez qui seule la moitié des sondés ont avoué avoir été troublés dans une de ces situations.
Reste que moins les pratiques religieuses sont visibles, mieux elles sont acceptées ou jugées acceptables. Ainsi, le jeûne au travail ou la prise d’un jour de congé payé pour participer à une fête religieuse figurent parmi les pratiques les mieux perçues du panel proposé aux sondés. Toutefois, le fait religieux est globalement mieux accueilli en entreprise depuis la dernière étude Crif/IST de 2021. La moitié des professionnels se disent ainsi favorables à au moins un aménagement du cadre de l’entreprise en rapport avec la religion d’un salarié, contre 42 % il y a quatre ans.