Ce fut laborieux, longtemps. Jamais totalement maîtrisé. Il y a eu même un soupçon d’inquiétude juste avant la mi-temps. Et puis, finalement, grâce à la puissance destructrice de son double pack, à la solidité de Yoram Moefana aux deux bouts du terrain (plaquages et 2 essais), à quelques accélérations dont Louis Bielle-Biarrey nous a désormais habitués, les Bleus ont fini par venir à bout des Écossais, à prendre le large, pour s’offrir le sacre tant espéré. Enfin une deuxième ligne au palmarès de cette génération dorée, qui ne comptait jusque-là ‘’que’’ le Grand Chelem bouclé en 2022.
Mais si la seconde mi-temps fut meilleure que la première – on n’ose imaginer la soufflante passée par Fabien Galthié à ses joueurs dans l’intimité des vestiaires à la pause -, la première fut un mauvais brouet. La faute, certainement, à ce maudit trac. Celui qui embrouille les idées, qui agace, qui fait perdre les nerfs. On espérait les Bleus à l’abri de cette fébrilité. On l’a même cru durant les quinze premières minutes. Une démonstration de puissance des avants tricolores. On s’est alors dit que les Écossais allaient passer une mauvaise soirée quand, à la 18e minute, Fickou esquive deux défenseurs et sert son partenaire du centre, Yoram Moefana qui file à l’essai. 10-0, tout va bien. Et puis le trac…
Les Bleus, à 14 pendant dix minutes
Ça commence par un geste d’énervement inutile de Thomas Ramos dans son en-but qui pousse Ben White dans le dos. Le demi de mêlée de Toulon tombe sur Peato Mauvaka. Celui-ci s’agace et esquisse un coup de tête. La menace du rouge plane (20e). Ce sera jaune mais les Bleus, à 14 pendant dix minutes, se sont déréglés. Ils ne dominent plus, passent leur temps à défendre. Si, à la 25e minute, Ramos passe une nouvelle pénalité pour devenir le recordman des points inscrits sous le maillot bleu (437 à cet instant, contre 436 pour Frédéric Michalak, c’est logiquement, juste avant la demi-heure de jeu, que Graham Darcy se joue de la défense tricolore en son cœur. Moefana pris à l’intérieur, Guillard et Atonio trop court, Ramos en retard et l’Écosse n’est plus qu’à 3 points (13-10).
L’agacement monte, les gestes d’humeur se multiplient, les errements défensifs, les bêtises dans le jeu au sol aussi. Le pilier Jean-Baptiste Gros prend un carton jaune à son tour, payant pour l’ensemble de l’œuvre tricolore (35e). Finn Russel en profite pour remettre les deux équipes à égalité (13-13). Juste avant la pause, le buteur toulousain redonne une mince avance à la France (16-13). Qu’on croit balayée par un essai de Jordan. Finalement annulé pour un en-avant. Mais c’est la stupeur dans les travées à l’heure d’écouter Louane dévoiler sa chanson qui représentera la France à l’Eurovision.
Des Bleus historiques
La seconde mi-temps commençait sur les mêmes bases. Deux minutes à défendre sur sa ligne face à des Écossais volontaires mais trop légers. Et puis le miracle. Une passe mal assurée, Penaud s’en saisit, part dans une cavalcade avant de servir Bielle-Biarrey qui s’en va inscrire son 8e essai de cette édition, égalant un record vieux d’un siècle. Le tournant du match, le coup de trop sur la carafe des Écossais (23-13, 43e minute). Les Highlanders ne baissent pas la tête mais leur volonté ne suffit plus ; les paquages des Bleus sont toujours plus appuyés, les charges toujours plus rudes. Les finisseurs de devant démolissent tout pour permettre à Thomas Ramos d’aller inscrire un essai à son tour. 30 à 16 et le sort du match scellé (58e).
À la 62e minute, profitant d’un Chardon ayant perdu tout son piquant, Yoram Moefana, à grands coups d’épaule, s’en va aplatir pour la seconde fois (62e, 35-16), assurément l’homme du match. Un 4e essai pour les Bleus synonyme de bonus offensif mais, surtout, de record historique. C’est le 30e inscrit par les Bleus dans ce Tournoi, dépassant le record qui appartenait à l’Angleterre depuis 2001 (29 essais). Le premier pavé d’une route qui allait mener l’Angleterre au titre mondial deux ans plus tard en Australie. L’Île-Continent qui accueillera de nouveau la Coupe du monde dans deux ans. Acceptons en le présage…