«Cette affaire a beaucoup traîné» : après 4 ans de procédures et de discorde, la justice pourrait obliger une mairie rurale à rouvrir une route fermée
Rarement autant d’encre et d’amertume ont été versées au sujet d’une petite route de 550 mètres. À Louisfert, près de Châteaubriant, au nord de Nantes (Loire-Atlantique), les riverains et les usagers du chemin dit de la Bréchetais, voient enfin le bout du tunnel. Cet axe champêtre qu’ils avaient coutume d’emprunter au quotidien reliait très commodément les deux extrémités du bourg de Louisfert. Cette voie à l’aspect bucolique permettait aussi de passer en souplesse entre les routes départementales 40 et 46. Voilà plus de quatre ans, cependant, qu’elle n’est plus accessible aux véhicules. Le conseil municipal a jugé l’axe trop dangereux. Sa décision soudaine a braqué, cependant, les habitants de cette petite commune de 900 âmes qui n’ont recensé aucun accident sur cette voie depuis… 1993.
Une pétition signée par plus de 200 personnes réclamait à l’exécutif local de reconsidérer la décision prise en septembre 2020. Une piste écartée par la mairie, qui assumait - dans les colonnes de L’Éclaireur de Châteaubriant - une décision «impopulaire» prise en amont de tout drame «pour veiller à la tranquillité et à la sécurité», en rappelant notamment que le chemin rural faisait partie d’un sentier de randonnée et que son caractère étroit accentuait le risque d’accident. Le collectif d’habitant mobilisé n’en est pas resté là et a lancé des recours auprès du tribunal administratif de Nantes. Après des années de délais, le rapporteur public chargé du dossier a donné raison aux riverains en estimant la fermeture de la voie «ni proportionnée, ni nécessaire», rapportent nos confrères de Presse Océan . Un signal positif qui soulage enfin les riverains mobilisés.
Un «abus de droit»
«Je ne pensais pas que cela irait si loin. Cette affaire a beaucoup traîné, mais j’ai confiance en la justice», témoigne au Figaro Tanneguy Lehideux, un habitant de Louisfert à l’origine de l’une des deux procédures administratives du dossier. Alors que la décision du tribunal administratif de Nantes est toujours attendue pour cette fin février, cet ancien avocat, désormais à la retraite, estime qu’il y a de bonnes chances que le dossier fasse date. «Des maires qui ferment des routes, cela arrive tous les jours. Mais ici, nous étions très clairement dans une situation d’abus de droit, avec un acte qui ne reposait sur aucune donnée solide. Il n’est pas impossible que le dossier fasse jurisprudence», raconte-t-il.
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Le souvenir de la genèse de ce dossier choque encore le Locférien. La fermeture du chemin de la Bréchetais n’avait fait l’objet d’aucune publicité, ni d’aucune annonce préalable. Les riverains l’ont découvert du jour au lendemain, consternés, alors que la route venait d’être restaurée, quelques années plus tôt. Près du tiers de la commune, dont plusieurs professionnels, ont depuis été contraints de passer par le centre-bourg de Louisfert et ses cinq dos-d'âne, ainsi que devant une école primaire. Soit une situation plus dangereuse que d’emprunter la voie condamnée, ont soutenu de longue date - mais en vain - les usagers mobilisés, qui n’étaient pas opposés à d’éventuels aménagements sur le chemin de la discorde. Selon les principaux intéressés, la mairie n’aurait jamais accepté de recevoir le collectif. La collectivité n’a pas non plus donné suite aux sollicitations du Figaro.
«Ce dénouement arrive tard, très tard quand même», lâche, dépité, Christophe Guérin, un autre membre du collectif à l’origine de la pétition. À Louisfert, beaucoup n’y croyaient plus en effet. D’aucuns se demandaient même si ce marathon procédurier n’avait pour objet de faire baisser les bras aux habitants. Pour ajouter aux longueurs de la procédure, le cabinet d’avocats qui représentait les habitants a soudainement mis la clé sous la porte, cet hiver, sans que le dossier des habitants de Louisfert ne soit repris. Les riverains ont donc appris dans la presse que leur affaire avait malgré tout reçu une lecture favorable du rapporteur public. «Heureusement, le paysan breton est têtu !», glisse malicieusement Tanneguy Lehideux.