Les boxeuses françaises exclues des Mondiaux : cinq questions pour comprendre un couac monumental
Pourquoi l’équipe de France féminine a-t-elle été exclue des Mondiaux de boxe ?
Ce jeudi, à 1h30 du matin, la Fédération française de boxe (FFBoxe) a annoncé dans un communiqué «que les boxeuses françaises ne pourraient pas participer aux premiers championnats du monde organisés par World Boxing», du 4 au 14 septembre à Liverpool. Romane Moulai (-48 kg), Wassila Lkhadiri (-51 kg), Melissa Bounoua (-54 kg), Sthélyne Grosy (-57 kg) et Maëlys Richol (-65 kg), qui devaient prendre part à la compétition, ont été exclues car les résultats des tests de féminité exigés pour participer n’ont pas pu être transmis à temps, a justifié la Fédération. Ces tests génétiques - rendus obligatoires par la fédération internationale World Boxing - restent interdits en France sauf sous certaines conditions. C’est pourquoi la FFBoxe et l’encadrement des Bleues se sont tournés vers un laboratoire britannique accrédité par World Boxing, situé à Leeds, pour (croyait-on) les réaliser dans les délais impartis.
À qui la faute ?
«Cette décision est complètement injuste, d’autant que nous avions suivi les directives de World Boxing», a réagi le président de la FFBoxe Dominique Nato, interrogé ce jeudi par Le Parisien. Le dirigeant de la Fédération, qui se dit «abasourdi», «mortifié» et «trahi» par la fédération internationale, a fait part de son incompréhension : «C’est World Boxing qui nous a orientés vers le laboratoire de Leeds, en nous assurant que les résultats seraient rapides. Nous avons avancé le voyage des filles à lundi matin. Dès leur arrivée à Manchester, nous les avons emmenées à Leeds où le test a été fait lundi midi. [...] Le DTN (le Directeur technique national Mehdi Nichane) m’a prévenu mercredi soir que nos boxeuses n’étaient pas inscrites, les résultats des tests n’étant pas revenus...»
Passer la publicitéDans la même lignée, la FFBoxe a souligné dans son communiqué que «ce dysfonctionnement, qui porte un préjudice notoire à nos athlètes, n’est aucunement imputable à la Fédération française.» L’instance tricolore explique par ailleurs avoir été prévenue «seulement le 21 juillet» par World Boxing de l’obligation d’un test pour chaque athlète. Contacté par l’AFP, un dirigeant de World Boxing - toute jeune fédération internationale reconnue par le CIO après la mise à l’écart de l’IBA - a exprimé ses «regrets» quant au fait que «certaines boxeuses» n’aient pas pu transmettre leur résultat avant la date limite. «Mais les règles et les délais avaient été publiés», a-t-il précisé. «C’est d’autant plus difficile à admettre qu’on ne peut pas mettre en cause la féminité de nos boxeuses, dont certaines sont mères de famille», a répondu Dominique Nato, au Parisien.
Interrogée par Le Figaro, Estelle Mossely dénonce, elle, «une faute professionnelle des personnes en charge de cette équipe de France.» Rivale de Dominique Nato l’an dernier dans la course à la présidence, la championne olympique 2016 pointe du doigt la mise en action «à la dernière minute» de la Fédération française, qui débouche sur un «préjudice moral et financier» pour les athlètes tricolores. «Certains nous traitent d’incompétents, c’est de la politique. On était dans les clous», s’est défendu Dominique Nato.
Qu’a dit la ministre des Sports ?
Dans un message transmis à l’AFP jeudi midi, la ministre des Sports Marie Barsacq a indiqué qu’elle «adressera dans la journée un courrier à World Boxing à qui [elle] demande de faire toute la lumière sur les raisons qui ont abouti à cet imbroglio». Partageant leur «colère légitime», Marie Barsacq a assuré avoir «échangé ce (jeudi) matin avec nos cinq boxeuses écartées des championnats du monde.»
«J’échangerai dans les prochaines heures avec le président de la Fédération française de boxe. Ce qu’il s’est passé est inadmissible : le laboratoire recommandé par l’organisateur des Mondiaux n’a pas transmis les résultats des tests génétiques à temps pour valider leur participation», a-t-elle ajouté. Avant de conclure : «L’absence de la France affaiblit l’intérêt sportif de ces championnats du monde et je veux réitérer tout mon soutien à nos Françaises qui s’étaient préparées avec engagement pour défendre les couleurs de la France.»
Comment les boxeuses françaises vivent-elles la situation ?
Membre de l’équipe de France, la boxeuse Maëlys Richol a réagi en longueur sur son compte Instagram. «Frustration», «colère» et «déception» prédominent pour l’athlète française qui devait concourir dans la catégorie des moins de 65 kg. «Après une année entière de travail, nous nous retrouvons écartées non pas pour une question sportive, mais à cause d’une gestion désastreuse et injuste. C’est extrêmement dur à encaisser», a regretté la Française, boxeuse amateur.
Passer la publicitéDominique Nato a rappelé de son côté qu’il «faut avant tout penser aux filles. Ce qu’elles vivent est terrible et nous accompagnerons psychologiquement celles qui en auront besoin», a-t-il révélé. «J’ai pas mal de peine pour toutes ces filles, que je connais», se désole Estelle Mossely, qui a échangé avec les athlètes depuis mercredi soir. «Ce qui me reste en tête est leur désarroi hier soir. C’est de l’incompréhension, de la colère, de la tristesse. Elles étaient en pleurs, ne comprenaient pas ce qui leur arrivait.»
Un retour en arrière est-il possible ?
Le coup est d’autant plus dur pour l’équipe de France puisque, selon le président de la Fédération, une réintégration des Bleues aux Mondiaux est impossible. Le tirage au sort de la compétition a déjà eu lieu et les combats débutent ce jeudi. «World Boxing a consulté ses juristes. Le recours d’Imane Khelif devant le Tribunal arbitral du sport (la championne olympique algérienne conteste la légitimité des tests de féminité exigés par World Boxing, NDLR) complique la situation. Il est impossible pour World Boxing d’accepter des participantes qui n’auraient pas réalisé les tests», a avancé Dominique Nato, toujours au Parisien, regrettant encore une «situation inacceptable.»
«C’est un manque de professionnalisme de World Boxing qui est une jeune fédération, qui n’a pas encore chaque personne à la bonne place [...]. C’est sordide. Nous qui nous sommes battus pour que cette fédération existe... Je veux bien assumer mes responsabilités, mais, derrière, on me trahit...», a abondé le dirigeant français, cette fois dans les colonnes de L’Équipe. Les boxeuses françaises, qui avaient pris leurs quartiers en Angleterre, vont être rapatriées dans les prochaines heures. Le cœur très lourd.