Organisatrice controversée, ministre «colonisateur» : pourquoi le gala de l’association «Israël is forever» fait polémique

La mobilisation de plusieurs associations, syndicats et partis politiques de gauche n’y fera rien : le gala de l’association «Israël is forever» aura bien lieu mercredi 13 novembre à Paris. Cette soirée, présentée comme «la mobilisation des forces francophones sionistes au service de la puissance et de l’histoire d’Israël» est organisée en marge d’un rassemblement pro-israélien à l’initiative du Betar, un mouvement de jeunesse juif sioniste radical. Ces événements, qui se tiennent fortuitement la veille d’un brûlant France-Israël au Stade de France, ont été autorisés dimanche par la préfecture de police. 

Pour la somme de 260 euros, il est promis aux participants de passer la soirée «en présence de hautes personnalités israéliennes», dont le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich. Cette invitation a déclenché l’ire des députés LFI, et notamment de l’élu de Seine-Saint-Denis Thomas Portes, qui a saisi le préfet de police Laurent Nunez à ce sujet, le 16 octobre dernier. Il y dénonce également le profil de l’organisatrice de l’événement, l’avocate franco-israélienne Nili Kupfer-Naouri. 

Bezalel Smotrich, un ministre «colonisateur» et suprémaciste

Champion de la colonisation décomplexée, Bezalel Smotrich s’est fait un nom sur la scène internationale par ses déclarations tonitruantes et controversées. Figure de la frange extrémiste du courant sioniste religieux, il fait parti de l’aile radicale et suprémaciste de la coalition du gouvernement Netanyahou. Il s’est à nouveau distingué lundi 11 novembre, en promettant de rétablir «la souveraineté» en Cisjordanie occupée dès 2025. Le ministre, lui-même colon, n’en est pas à son coup d’essai. Début août dernier, il avait estimé lors d’une conférence qu’il était «moralement justifié» de bloquer l’aide humanitaire qui entrait dans la bande de Gaza, quand bien même cela provoquerait la mort de millions de civils. 

Fervent défenseur de la recolonisation de Gaza, il est aujourd’hui en charge des finances et de la «gestion civile» de la Cisjordanie. En 2023, Smotrich s’est décrit lors d’une conversation privée mais enregistrée et diffusée à la télévision comme un «fasciste homophobe». Sa conviction profonde est que «les Palestiniens n’existent pas», et donc le «peuple palestinien» non plus, comme il l’explique noir sur blanc dans un programme présenté comme «le seul espoir» pour l’avenir de l’État juif, publié en 2017 et relayé par le média Orient XXI. À l’époque député de la Knesset, Smotrich avait déjà fait parler de lui en regrettant sur Twitter qu’une jeune Palestinienne arrêtée pour avoir giflé un soldat israélien n’ait «pas reçu une balle, au moins dans la rotule»

Le ministre israélien était déjà présent lors du dernier gala d’«Israël is forever», organisé en 2023. Il avait à l’époque estimé que «le peuple palestinien est une invention de moins de 100 ans». Interpellé par la patronne des Insoumis Mathilde Panot le 5 novembre sur sa venue, le premier ministre Michel Barnier avait indiqué que «les autorités françaises (n’étaient) en aucun cas associées à ce déplacement» mais que «M. Smotrich peut (...) se déplacer à Paris dans un cadre privé». Fera-t-il vraiment le voyage ? «Je comprends que finalement, il ne sera pas là», a indiqué le préfet de police Laurent Nunez dimanche sur BFMTV, sans entrer dans les détails. Le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a affirmé ce mardi lors d’un entretien avec France 24 et RFI qu’il n’avait «pas de confirmation de sa venue en France». Contactée par Le Figaro, l’association «Israel is forever» n’a pas répondu à nos sollicitations. 

«Il n’y a pas de population civile innocente à Gaza»

Pour ceux qui dénoncent la tenue du gala, la présence, ou du moins l’invitation, de Bezalel Smotrich n’est pas le seul problème. L’organisatrice de cette soirée est tout autant ciblée. L’avocate franco-israélienne Nili Kupfer-Naouri est la fille de Jacques Kupfer, ancien président du Betar et du Likoud en France et fondateur d’«Israel is forever», mort en 2021. Elle fait l’objet d’une plainte, déposée en mai dernier par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) pour «apologie de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité». Dans la droite ligne de Smotrich, elle défend l’établissement d’un État unique, «de la mer au Jourdain», comme elle l’a encore indiqué sur X le 31 octobre : «Il ne peut y avoir qu’un seul État : l’État d’Israël. C’est la conclusion la plus évidente du 7 octobre»

Depuis le massacre perpétré en Israël par les terroristes du Hamas, Nili Kupfer-Naouri a multiplié les prises de position polémiques. En octobre 2023 sur CNews, elle estimait que les populations civiles de Gaza étaient «aussi responsables» du pogrom. «Il y a des enfants d’un an qui sont habillés aux couleurs du Hamas. (…) Il y a une éducation à partir de la naissance pour la haine du juif dans les écoles, à partir des maternelles, ils apprennent comment organiser un commando pour attaquer des villages juifs et à tuer du juif. (...) C’est ça, la population civile. Alors excusez-moi, mais il n’y a pas de population civile innocente à Gaza», avait-elle affirmé. 

En février dernier, l’avocate avait joint la parole aux actes, en se rendant au poste-frontière de Rafah, à la frontière égyptienne, pour participer à un blocus qui visait à empêcher l’entrée de toute aide humanitaire à Gaza. «Il est immoral de faire passer ces camions alors que nos otages sont encore aux mains des Gazaouis»avait-elle alors plaidé sur Instagram. Le 8 novembre dernier, le député LFI a annoncé sur X avoir écrit au ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau pour demander la dissolution de l’association «Israel is Forever»

Risques de «troubles à l’ordre public» ? 

Le 7 novembre, l’association de Coordination des appels pour une paix juste au Proche-Orient (CAPJPO) EuroPalestine avait bien tenté de faire interdire l’événement devant le tribunal administratif de Paris, arguant d’un «risque sérieux de trouble à l’ordre public»Mais le juge des référés a considéré «que les conditions ne sont pas remplies pour que le tribunal puisse ordonner à l’autorité investie du pouvoir de police d’interdire le gala». Le préfet de police de Paris Laurent Nunez avait déjà indiqué dimanche sur BFMTV qu’il n’avait «pas de raison» d’interdire cette soirée et que ses services allaient «évidemment protéger ce gala»

Une manifestation contre l’événement est également prévue. «Je vais discuter avec les organisateurs pour qu’elle se tienne dans un lieu qui ne pose pas des problèmes d’ordre public, mais je ne l’interdirai pas non plus», a précisé Laurent Nunez.