Droits de douane : Donald Trump lance une offensive protectionniste inédite contre le reste du monde

Au Bureau ovale, décor quotidien des annonces et signatures présidentielles depuis le 20 janvier, Donald Trump a préféré la roseraie de la Maison-Blanche, toute pavoisée de la bannière étoilée. C’est devant son gouvernement réuni au complet ainsi que des agriculteurs et des ouvriers dûment casqués, en vert fluo ou en orange, symbolisant cette industrie qu’il veut ressusciter, que le président des États-Unis a déclenché sa guerre commerciale.

Une guerre massive et sans précédent. Comme il l’avait promis, le président-milliardaire va imposer, à compter des 5 et 9 avril, des « droits de douane réciproques ». Mais des « gentils droits de douane réciproques », a-t-il tenu à préciser dans son discours de près d’une heure. En quoi cela consiste-t-il? L’administration républicaine a calculé pour chacun des pays du monde, ce qu’elle estime être l’ensemble des barrières opposées aux marchandises américaines. Pour ce faire, a expliqué lui-même Trump, elle a combiné les droits de douane, des barrières non tarifaires (comme des normes sanitaires par exemple) et la TVA (alors que celle-ci s’applique à tous les produits, qu’ils soient importés ou non). Cette combinaison dont on ne connaît pas la recette aboutit ainsi à 39% pour l’Union européenne. S’il appliquait des droits véritablement réciproques, Donald Trump imposerait les produits européens à 39%. Mais comme il a décidé d’être « gentil », il divise cette peine par deux et n’impose « que » 20% à l’Union européenne.

Dans une longue diatribe, Trump a pêle-mêle dénoncé la manipulation de la monnaie, le vol de propriété intellectuelle par les partenaires commerciaux des États-Unis ou les barrières non tarifaires des Européens sur le poulet américain

Le même calcul opaque donne pour la Chine des droits de douane à 34%. Pour le Vietnam, apparu en troisième ligne d’un tableau brandi par le secrétaire au Commerce Howard Lutnick promu accessoiriste, le taux s’élève à 46%. Le Vietnam a considérablement augmenté son excédent commercial avec les États-Unis, qui s’est élevé l’an dernier à 130 milliards de dollars. Le tableau indique encore des droits de douane de 24% pour le Japon, de 26% pour l’Inde, et de 25% pour la Corée du Sud.

Le Royaume-Uni, de son côté, s’en sort bien. Washington évalue à 10% les barrières qu’il dresse aux produits américains et se voit infligé en retour des droits de douane de 10%. Londres espère conclure un accord avec son partenaire américain.

Baisser les impôts américains

Des proches de la Maison-Blanche ont diffusé d’autres images du tableau, détaillant les chiffres pour des dizaines de pays. Mais il y a deux grands absents sur cette longue liste : le Canada et le Mexique. Le président protectionniste ne les a pas mentionnés. Et pourtant, il a bien souligné que dans ce « pillage » qu’a subi l’économie américaine depuis plus de cinquante ans selon lui, « les amis ont souvent été pires que les ennemis ».

Dans une longue diatribe, l’ancien promoteur immobilier a pêle-mêle dénoncé la manipulation de la monnaie, le vol de propriété intellectuelle par les partenaires commerciaux des États-Unis ou les barrières non tarifaires des Européens sur le poulet américain. Un diagnostic détaillé dans un rapport de son représentant au commerce, rendu public, et « gratuit », a-t-il cru important de souligner. Le président compte bien utiliser les recettes fiscales issues de cette hausse massive des taxes douanières pour tenir sa promesse de baisser les impôts des Américains.

Si le détail des mesures n’apparaissait pas encore clairement mercredi soir, en France, les viticulteurs se sont déclarés soulagés d’échapper aux taxes de 200% dont Donald Trump les avait menacés.

En plus de ces taux uniques par pays, Trump a confirmé que s’agissant des voitures, elles seront toutes taxées à 25%. Dans son « show » de la roseraie, il a donné la parole à Brian, un ouvrier de Detroit qui a vu « usine après usine » fermer. Aux États-Unis, tout le monde ne se réjouit pas. Neil Bradley, un représentant de la Chambre américaine du commerce a déclaré avoir « entendu de la part d’entreprises de toutes tailles, dans tous les secteurs, de tout le pays, que ces droits de douane sont une hausse d’impôts qui augmentera les prix pour les consommateurs américains ».

Si le détail des mesures n’apparaissait pas encore clairement mercredi soir, en France, les viticulteurs se sont déclarés soulagés d’échapper aux taxes de 200% dont Donald Trump les avait menacés.

S’agissant de la réponse européenne, « il y aura deux ripostes, a précisé mercredi Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement français. La première, qui aura lieu mi-avril, est une riposte aux droits de douane déjà décidés sur l’acier et l’aluminium (...) Ensuite, il va y avoir une étude précise, secteur d’activité par secteur d’activité, et une décision européenne devrait être annoncée avant la fin du mois d’avril, de façon concordante, unie et forte par l’Union européenne ». Mais d’ores et déjà, on sent que l’unité européenne est fragile. L’industrie chimique a ainsi appelé à éviter l’escalade.