Régions, départements, communes… La France est-elle "championne du monde" du mille-feuille administratif ?

Le Premier ministre, François Bayrou, a proposé d'organiser un référendum pour demander aux Français s'ils soutiennent un plan d'économies de 40 milliards d'euros d'argent public. Pour Valérie Pécresse, l'État doit balayer devant sa porte et faire attention à ses propres dépenses inutiles. La présidente Les Républicains de la région Île-de-France propose de simplifier l'organisation territoriale.

"Ce que je demande, c'est quand même qu'on questionne un tout petit peu l'organisation des collectivités locales, a-t-elle déclaré lors d'une interview sur France 2, lundi 5 mai. Est-ce que c'est normal qu'en Île-de-France on ait cinq niveaux d'administration locale ? Cinq niveaux ! (…) On est champion du monde de la bureaucratie !"

Cinq niveaux d'administration locale en IDF contre quatre habituellement

Et en effet, l'Île-de-France compte bien cinq niveaux d'organisation locale, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes sur l'organisation territoriale de la métropole du Grand Paris, publié en janvier 2023. "Chaque commune est membre à la fois de la métropole du Grand Paris et d’un établissement public territorial [comme Plaine Commune ou Boucle Nord de Seine], qui n’ont pas de relations institutionnelles entre eux. En comptant la région et les départements, ce territoire est donc couvert par cinq niveaux différents d’administration locale", précise la Cour.

Néanmoins, l'Île-de-France fait figure d'exception dans le pays car la création de la métropole n'a pas entraîné la suppression des territoires qui existaient auparavant. Ailleurs, en général, il y a trois niveaux d'administration locale - les communes, les départements et les régions – qui sont d'ailleurs inscrits dans l'article 72 de la Constitution et auxquels s'ajoutent un quatrième niveau, celui des intercommunalités comme les communautés de communes ou les métropoles.

Plus d'échelons ici qu'ailleurs

En revanche, il est difficile de dire si l'on est vraiment les "champions du monde" ou pas, car les comparaisons entre les pays sont complexes puisque chacun a son propre système. Il est quasiment impossible d'être exhaustif. Néanmoins, si l'on prend tous les pays d'Europe, et même les États-Unis ou Israël, la France est clairement dans le haut du classement avec l'Espagne et la Belgique où on peut aussi trouver quatre niveaux administratifs à certains endroits. Même les Américains, dont le territoire est 17 fois plus grand que la France, n'ont que trois niveaux : les États fédéraux, les comtés et les villes.

Au contraire, une petite dizaine de pays d'Europe moins vastes que la France, comme l'Islande et le Luxembourg, sont des États unitaires et n'ont qu'un seul niveau administratif local : les communes, selon les données du Conseil des communes et régions d'Europe.

Thomas Frinault, professeur en science politique à l'Université Rennes 2, a comparé les échelonnages administratifs dans les pays européens dans un article publié en 2023. Il note que "la taille communale n’est pas sans exercer de puissants effets sur le développement des structures de coopération intercommunale. Là où les communes abritent plusieurs dizaines de milliers d’habitants, les États n’ont pas cherché à instituer de forts mécanismes coopératifs, à l’image de la Grande-Bretagne ou du Danemark. A contrario, le maintien du morcellement communal apparaît comme propice au développement des structures intercommunales". La France, pays européen qui possède de loin le plus grand nombre de communes, correspond à ce deuxième scénario. Selon lui, en France, les intercommunalités se sont imposées comme des alternatives aux fusions entre petites communes, ajoutant de fait un niveau administratif. 

Ce mille-feuille n'est pas sans conséquence pour l'Institut Rousseau, plutôt à gauche politiquement. "Telle qu’elle fut menée en France, la décentralisation a tendu à mettre de plus en plus en danger la République. Multipliant les exceptions, elle a calqué les structures administratives sur les revendications catégorielles, voire identitaires. Elle n’a pas pour autant favorisé la démocratie. Devenue illisible, elle est demeurée affaire d’élus et, d’élection en élection, une part croissante des citoyens s’en est détournée pour se réfugier dans l’abstention. Diluant les responsabilités entre, au minimum, cinq niveaux d’action publique, elle a affaibli notre capacité collective à conduire de grands projets, à aménager le territoire et à assurer l’égalité des citoyens devant la loi", estime-t-il dans une note.

La métropole du Grand Paris, un "nain budgétaire"

Valérie Pécresse estime qu'il faut "avoir le courage de supprimer des échelons" et affirme qu'il "faut fusionner la métropole [du Grand Paris] et la région, c'est une évidence". Si supprimer la métropole – et donner ses missions et pouvoirs à la région que dirige Valérie Pécresse – pourrait bien faire quelques économies, elles seraient néanmoins dérisoires au regard des 40 milliards d'euros de finances publiques que le gouvernement chercher à économiser.

La Cour des comptes décrit en effet la métropole du Grand Paris comme un "nain budgétaire". En 2020, elle avait un budget confortable de près de 3,5 milliards d'euros, mais la métropole en reverse la quasi-totalité aux communes qu'elle recouvre. Après cela, il ne lui reste qu'entre 50 et 100 millions d'euros pour fonctionner. Très loin des économies que le gouvernement souhaite réaliser.