Une forêt sans pluie expérimentée près de Bordeaux pour mesurer l’adaptation des arbres au changement climatique

Le Figaro Bordeaux

À quoi ressembleront les forêts françaises de demain ? Particulièrement vulnérables face au changement climatique, les arbres ont déjà vu leur mortalité augmenter de près de 80% en dix ans dans l’Hexagone, selon l’inventaire forestier national. Un phénomène qui pourrait aller en s’aggravant, à mesure que les précipitations se raréfient en été. Pour anticiper cette évolution du climat, une équipe de chercheurs girondins a mis en place une forêt expérimentale, afin de tester la résistance à la sécheresse de différents pins maritimes et de plusieurs arbres feuillus.

«Le projet FORLand est un projet de mise en place d’une forêt expérimentale sur huit ans minimum», explique Sylvain Delzon, expert en écophysiologie évolutive et porteur du projet FORLand à Floirac (Gironde), dans la métropole bordelaise. Son équipe et lui étudient «l’adaptation des forêts au changement climatique et les processus physiologiques qui conduisent à la mort de l’arbre quand il y a une sécheresse», pour garantir la réussite des futures plantations d’arbres et des grandes cultures agricoles de demain. Pour ce faire, un dispositif particulier d’«exclusion de pluie» a été installé.

La forêt expérimentale est installée au cœur d’une plantation de 800 arbres, sur le site de l’ancien observatoire astronomique de Floirac. Sylvain Delzon / INRAE

Pour s'assurer que les spécimens restent au sec, un hangar en bois de 10 mètres de haut sur 200 m² avec un toit amovible a été installé. Celui-ci sera piloté par une station météorologique. Autour du dispositif, une tranchée a également été creusée, avec l'insertion de plaques en plexiglas jusqu'à un mètre de profondeur. Ce mécanisme devrait priver les arbres d’environ 60% des précipitations lors des beaux jours, «ce qui correspond à peu près aux prévisions climatiques de la fin du siècle», détaille Sylvain Delzon. Pendant les années à venir, 80 pins maritimes provenant de huit localités différentes passeront donc les beaux jours au sec, avant d'être rejoints par une trentaine d’essences variées de feuillus (chênes, bouleaux, hêtres, etc.).

Un million d’hectares de pins dans le Sud-Ouest

«L’idée n’est pas d’exclure l’intégralité de l’eau du sol ou de la pluie, car même avec de l’eau qui arrive, nous allons pouvoir mesurer l’état de stress de ces arbres. Le vent apportera aussi un peu d’eau car le hangar n’est pas fermé sur les côtés, sinon il aurait agi comme une serre», précise Sylvain Delzon. Par ce dispositif, les conifères et les feuillus plantés à Floirac recevront donc des précipitations correspondant à celles d’un climat méditerranéen, alors que Bordeaux est pour l’instant encore sujette à un climat océanique. Savoir quels pins maritimes seront les plus résistants revêt un intérêt économique majeur pour la région, cet arbre étant planté sur près d’un million d’hectares dans la forêt des Landes de Gascogne, soit environ 2% du territoire français.

Grâce à de nombreux capteurs, un «monitoring» précis de ces arbres privés de pluie fournira des données importantes (nombre de bourgeons par individu, flux de sève, observations des feuilles à la jumelle, etc.). Mais le projet FORLand n’est pas une initiative isolée. «Sous cette halle, il y aura à peu près 80 arbres, mais la plantation autour en comporte 800», ajoute Sylvain Delzon. L’INRAE mène en parallèle un suivi en «ambiance forestière» sur deux parcelles de 16 hectares de pins maritimes, provenant des mêmes endroits que ceux testés à FORLand, avec au total 36.000 spécimens, permettant «d’étudier à grande échelle la survie et la croissance en milieu forestier», ainsi que «leur réponse aux variations environnementales». Autant d’outils complémentaires afin d’assurer la longévité des forêts françaises.