« Les jeunes gens découvrent un parfum via TikTok et l’achètent sans même l’avoir senti » : comment Miu Miu a orchestré le lancement de Miutine

Si les fragrances sont désormais incontournables économiquement et en termes d’image pour une marque de mode, le groupe L’Oréal, avec qui Miu Miu a signé un accord de licence, a essayé d’encapsuler le parfum de ce succès dans un flacon aux lignes matelassé. Comment plaire à la jeunesse d’aujourd’hui et satisfaire des goûts olfactifs à la fois de plus en plus pointus et de plus en plus globalisés ? Si la marque n’a pu faire l’impasse sur les notes gourmandes, le parfumeur Dominique Ropion s’est chargé d’imaginer une nouvelle gourmandise à base d’une fraise des bois, juteuse, pétillante et surtout insolente juste comme il faut. Décryptage d’un succès annoncé avec Ladan Lari, directrice générale internationale Miu Miu Beauté.

LE FIGARO. - Quel a été le point de départ de la création de Miutine ?

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LADAN LARI. - Nous sommes partis d’une notion qui résonne avec Miu Miu et avec la jeune génération : l’insouciance. Mais une insouciance « conscientisée », assumée, qui est même devenue une sorte de contre-culture dans le monde complexe et anxiogène d’aujourd’hui. C’est ce que nous avons appelé dans notre processus de création, le concept de « douce rébellion ». Ainsi Dominique Ropion est parti d’un cadre classique, le chypre, cette structure emblématique de la parfumerie féminine avec sa mousse de chêne et son patchouli, mais aussi des fameuses notes gourmandes qui dominent la parfumerie depuis une trentaine d’années. Mais avec le point de vue anticonformiste cher à Miu Miu. Il invente ainsi une nouvelle gourmandise juteuse et un peu verte, très pétillante autour de la fraise sauvage, la mara des bois. C’est une variété française rare, récoltée une fois par an et dont la chair confiturée, est devenue l’ingrédient préféré des pâtissiers français. Dominique Ropion l’a ensuite associée à un bouquet lumineux de gardénia, de magnolia et de jasmin et à un accord régressif de sucre roux et d’extrait de vanille croquant. Pour le décrire, on pourrait dire que ce parfum est une « fleur à croquer ».

En quoi la Gen Z diffère de la génération précédente en termes de parfum ?
Hier, les consommateurs étaient en quête d’un parfum signature ; aujourd’hui, les jeunes gens créent leur propre vestiaire de fragrances qu’ils alternent selon les occasions et les tendances olfactives qui changent toujours plus vite. Surtout, le parfum est devenu un sujet de conversation et de passion sur les réseaux sociaux, notamment sur TikTok, où apparaissent des viralités olfactives qui guident le choix de la Gen Z. De plus en plus d’entre eux achètent un parfum sans même l’avoir senti !

Eau de parfum Miutine, 167 euros les 100 ml. Miu Miu

Justement, comment communiquez-vous sur les réseaux sociaux ?
Il nous faut inventer de nouvelles narrations basées sur l’émotion et des expériences pour faire entrer les futurs consommateurs dans un univers olfactif. C’est ce que l’on appelle, en marketing, le « storysmelling », contraction de storytelling et de smelling (sentir), et qui va bien au-delà de la seule composition. Par exemple, pour Miutine, nous avons écrit un manifeste sur la définition de l’esprit Miutine, déployé dans une campagne publicitaire réalisée par Hailey Benton Gates, lauréate du prix du jury de Sundance cette année. Outre notre égérie, l’actrice Emma Corrin, nous nous sommes associés pour chaque pays à des femmes qui affichent leur singularité et leurs points de vue, comme, pour la France, la chanteuse Louane.