Cryptomonnaies : qui est Changpeng Zhao, le fondateur déchu de Binance ?

Il est l'une de ces personnes parties de rien à qui tout réussit... Du moins jusqu’à hier soir. Figure de l’ombre de Binance, Changpeng Zhao se retrouve aujourd’hui sur le devant de la scène. Le fondateur de la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde a plaidé mardi soir coupable de violation des lois américaines contre le blanchiment, après l’ouverture d’une enquête , en juin dernier, par le gendarme des marchés financiers américain, la Securities and Exchange Commission (SEC). L’accord prévu et trouvé par les autorités américaines impose à Binance la démission de son directeur général. Ainsi qu’une amende - à titre personnel - de 50 millions d’euros. Une sanction qui pourrait presque paraître indolore pour «CZ» - le diminutif de Changpeng Zhao - dont la fortune se compte aujourd’hui en milliards de dollars.

Ce jugement rappelle celui d’un autre célèbre acteur des cryptomonnaies, Sam Bankman-Fried, le fondateur de FTX. Mais contrairement à son homologue, Changpeng Zhao était perçu «comme une source de confiance» dans cet écosystème nébuleux. «Il a investi très tôt et très jeune dans les cryptomonnaies, avant tout le monde. Et il a réussi à obtenir le succès escompté» en peu de temps, relève Thibault Langlois-Berthelot, fondateur de Kryptosphere et doctorant en droit. En effet, après avoir travaillé pour le Tokyo Stock Exchange et le New York Stock Exchange, puis au département financier de Bloomberg, Changpeng Zhao se lance dans plusieurs projets de cryptomonnaies. En 2013, il participe au développement de Blockchain.info et devient ensuite directeur de la technologie d'OKCoin.

«Je suis une petite patate, dans un petit secteur»

Alors que les cryptomonnaies n'en sont qu'à leurs balbutiements, l'entrepreneur croit fermement aux monnaies numériques. En 2014, il n'hésite pas à investir un million de dollars - obtenu grâce à la vente d'un appartement à Shangaï - dans le bitcoin. Avec la hausse de la valeur du jeton, multipliée par cinq en trois ans, Changpeng Zhao parvient à se construire une fortune considérable. Il en investit une partie dans le lancement de Binance, en juillet 2017, qui devient en huit mois la plus grande plateforme de cryptomonnaies au monde. «On peut comparer Binance à Uber, ces deux plateformes ont acquis une majorité de parts de marché dans leur secteur», explique Ludovic de Froissard, cofondateur et directeur des opérations de Cryptech.

Changpeng Zhao devient ainsi l'un des grands noms des cryptomonnaies. En février 2018, le magazine Forbes le place troisième sur sa liste des «personnes les plus riches en cryptomonnaies», avec une estimation de sa fortune comprise entre 1,5 et 2 milliards de dollars. Celle-ci serait grimpée à 28,2 milliards de dollars en avril 2023, selon Bloomberg. Si l'homme de 46 ans a démenti cette information, il a tout de même investi, en mai 2022, 500 millions de dollars via Binance pour financer l'acquisition de Twitter par Elon Musk.

Lorsqu'un internaute lui demande publiquement sur le réseau social s'il est «l'un des hommes les plus riches de la planète», au point «de dépasser Elon Musk ou Vladimir Poutine», Changpeng Zhao dément une nouvelle fois : «Il n'en est rien. Je suis une petite patate dans un petit secteur (mais en croissance). Ces gens-là sont 100 fois plus gros, voire plus.» Pour autant, l'entrepreneur chinois applique les mêmes codes que l’entrepreneur sud-africain, notamment lors de ses prises de paroles. En septembre 2022, lors d'une conférence à Paris, Ludovic de Froissard était parmi les spectateurs : «On sent qu'il est aux manettes et qu'il emmène une communauté. Il décrit un processus plutôt que de raconter une histoire.»

Changpeng Zhao, lors d'une conférence à Malte, en octobre 2018. DARRIN ZAMMIT LUPI / REUTERS

«Une communication à l’américaine»

Sur Twitter, Changpeng Zhao est également très actif et n'hésite pas à partager ses opinions. En décembre dernier, lors de l'implosion de FTX, il s'en est pris directement à son fondateur, Sam Bankman-Fried, pour sa gestion frauduleuse de la plateforme : «Ils faisaient un dixième de notre taille mais nous ont surpassés en termes de marketing et de “partenariats”, de fêtes chics aux Bahamas, de voyages à travers le monde et de manoirs pour tous les cadres supérieurs (et leurs parents).» Pour Thibault Langlois-Berthelot, «c'est une communication à l'américaine», spontanée et sans filtre.

Un principe de nouveau appliqué par le fondateur de Binance pour signaler sa démission : «Il est vrai qu’il n’a pas été facile de lâcher prise d’un point de vue émotionnel. Mais je sais que c’est la bonne chose à faire. J’ai commis des erreurs et je dois en assumer la responsabilité.» Richard Teng, ancien responsable mondial des marchés régionaux, va désormais occuper le poste de PDG de Binance.

Quant à la suite de ses projets, le Chinois va d’abord «faire une pause» et reste «à disposition» de la nouvelle équipe de Binance. Il envisage ensuite d’investir dans des startups qui travaillent sur la blockchain, le Web 3 ou encore l’intelligence artificielle. S’il ne se voit pas «redevenir PDG d’une startup», il se dit «ouvert à l’idée d’être un mentor pour un petit nombre d’entrepreneurs en devenir». «À défaut d’autre chose, je pourrai au moins leur dire ce qu’il ne faut pas faire», souligne-t-il, dans un brin d’autodérision.