À l’Olympia, Nino Arial prend son envol, sur les traces de Coluche
Voir son nom briller en lettres rouges pour la première fois sur la façade de l’Olympia, ce n’est pas rien. Voilà déjà six mois qu’il n’y a plus un seul fauteuil rouge ou strapontin à acheter. Ce dimanche, l’Olympia est plein à craquer. Le public va de 30 à 70 ans. Des couples, des bandes d’amis. À 34 ans, l’humoriste Nino Arial entre dans la cour des grands. Pour Karim Kachour, directeur du Paname, mythique comedy club parisien, « Nino est le nouveau Coluche ».
Sous les yeux de ses parents et de son petit frère venus du Sud-Ouest, cet ancien banquier, ancien youtubeur, se transforme en phénomène. Gad Elmaleh et Redouane Bougheraba se glissent discrètement dans la salle. Ces deux amis sont si fiers du chemin parcouru par leur poulain. Ce soir, tout est question de transmission. Nino Arial a longtemps fait les premières parties de Redouane Bougheraba qui lui-même faisait celles de Gad Elmaleh. « Il y a deux ans, Nino était ici avec moi. Deux ans après, être celui sur le devant de la scène, c’est extrêmement rare, félicite Redouane dont les conseils comme coproducteur sont précieux. On a beaucoup travaillé pour en arriver là. On a débuté dans des caves. On a traversé des moments difficiles. On partageait un canapé à deux. On nous assénait qu’on n’allait pas réussir. Cet Olympia pour Nino est une première étape. Cette année, il va faire deux Palais des Sports, une tournée des Zéniths...»
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« Une étape dans la vie d’un artiste »
À 20h05, le noir se fait. Le public tape des pieds et applaudit si fort que Redouane Bougheraba se demande « si dehors, les fameuses lettres vont tomber sur le boulevard des Capucines ». Depuis les coulisses, la voix de Nino Arial résonne : « Je suis tellement content. Vous êtes nombreux à avoir respecté le dress code noir et blanc. Une poignée ne l’a pas fait, je les vois à la caméra et je viendrais m’occuper d’eux. C’est une salle très spéciale, une étape dans la vie d’un artiste. Merci à tous d’être venus. » Ce soir, il n’est pas venu seul. Lui aussi est dans la transmission. Trois de ses proches assurent la première partie. D’abord Chary Nyobe qui fait pleurer de rire la salle en imitant les « amaiziiiing » des Américains si contents de découvrir la « wonderful » porte de la Chapelle, où 75% des épreuves des JO de Paris se déroulaient. Son sketch sur la pilule contraceptive pour homme, avalée par les dealers au pied des cités, est tout aussi drôle. Déboule ensuite Emy. Avec sa crinière et son look années 1980, on pense à Bonnie Tyler. Elle se compare à plutôt à Afida Turner. Le niveau monte d’un cran. Cette fille-là est extrêmement drôle. Redoutable « daronne de 40 ans », elle fantasme sur Philippe Etchebest. Vu les clameurs dans la salle, elle n’est pas la seule. « L’École des fans de Jacques Martin, tu as la ref ? », demande-t-elle au public. Réponse : oui. On ira l’applaudir au petit Palais des glaces à la rentrée. C’est au tour de Rodrigue. Après son sketch signature sur l’équerre qui prend le professeur en salle de classe pour un chat en reflétant la lumière, ce fidèle des premières parties de Nino Arial imagine les Français en guerre contre les Russes. «Igor, six viols, 40 meurtres dont un ours face à Titouan en BTS un peu angoissé ? »
À 21h07, Venom d’Eminem accompagne l’entrée sur scène du héros de la soirée. Les faisceaux blancs balayent l’Olympia. « Ce soir, je vous ai envoyé un renoi, une meuf et un blanc qui vote Bardella en détente. Moi, j’étais en première partie d’un arabe qui lui-même était en première partie d’un juif. Jamel nique la chaîne car il n’a pas de main ! »
Les spectateurs n’ont plus peur de répondre
C’est parti pour 1h31 de rires sans temps mort. Les handicapés, le nain Atchoum, les femmes qui doivent prendre confiance en elles, les WhatsApp entre copines, les longs faux ongles, Emmanuel et Brigitte Macron, Marine Le Pen, Norman le youtubeur, Hervé Vilard, les impôts, le privilège de la beauté, le restaurant Georges en haut du Centre Pompidou, les vegans, les trentenaires qui ne veulent pas se marier, Elie Semoun, Artus, le harcèlement de rue, la charge mentale, Booba bientôt sur Nostalgie... Son seul en scène est très écrit tout en laissant de la place à l’improvisation. Au lieu de monter un bloc d’improvisation dissocié du spectacle, lui distille l’improvisation. C’est beaucoup plus difficile. Ces moments d’interaction forcément uniques lui permettent ensuite de publier chaque jour une vidéo sur les réseaux sociaux.
Qui a plus de 65 ans ? Qui exerce un métier atypique ? Ou encore : que ne supportent pas les filles chez les hommes ? Autant de questions qui permettent de savoureux échanges avec le public. Les répliques taquines fusent comme dans un match de boxe. Ce soir, Nino a été servi avec une commerciale qui vend du sperme de taureaux, une aide vétérinaire qui insémine des chiens et une femme trompée par son mari avec un travesti.
De plus en plus habitués aux usages du stand-up dans les comedy clubs, les spectateurs n’ont plus peur de répondre. Certains sont même « rentre-dedans », comme ces groupies qui tentent de séduire Nino Arial en direct. Sur le coup de 22h15, il fait revenir Charlie, Rodrigue et Emy sur scène. « Je vous souhaite des amis comme ça mais pas pour un premier Olympia », lâche-t-il en riant. Puis c’est au tour de Redouane de débouler sur scène. Ils se lancent « quelques petits mots d’amour ». D’un chic décontracté dans la vraie vie, « Red-One » est fasciné par les tenues de scène de Nino. « Il découpe des rideaux ! » C’est bien vu. Pour cet Olympia, notre vedette porte un costume blanc oversize. Conseillé par Megane Reyns, costumière très demandée au cinéma, le garçon est capable d’enfiler un bermuda pailleté, une jupe-culotte, un kimono ocre, une veste noire en tulle transparente. Uniquement des tenues improbables, larges et fluides, qui font rire les « Anciens » ... ceux de plus de 40 ans. « Sa morphologie lui permet de mixer des tenues très chic et de la street, glisse Megane Reyns à l’Olympia. Ses tenues originales, souvent japonisantes, le différencient des autres humoristes. En dessous, il porte toujours un débardeur blanc qui dévoile ses tatouages comme celui de Jean d’Ormesson »merci pour les roses et les épines« dont il est très fier. » À 22h50, la salle est debout, applaudissant sans fin. La soirée si réussie s’achève sur Beautiful Things de Benson Boon.