Jacques Attali : "L’administration Trump veut détruire l’UE"
"Donald Trump est en train de devenir un dictateur"
Après à une apparente alliance entre les États-Unis et la Russie, la relation entre Américains et Européens ne cessent de s'envenimer. Jacques Attali compare les présidents russes et américains à des dictateurs. "Donald Trump est en train de devenir un dictateur", avertit-il, le comparant à Adolf Hitler : "Comme Hitler, il y a eu un putsch raté. Il installe la terreur. Il dit plein de fausses nouvelles. Il veut déporter des gens. Il menace les juges et je pense que la prochaine étape, c'est qu'il passe outre les décisions de justice", alerte-t-il.
Il dénonce un chantage permanent exercé par le président américain. "Même si nous faisons tout pour lui plaire, il y aura toujours une demande supplémentaire. Il est donc très important pour les Européens de créer aussi vite que possible les conditions pour ne pas avoir à céder à ce chantage", détaille-t-il. "L'administration Trump veut détruire l'UE. Elle va continuer à essayer de tuer l'euro. Elle a essayé, en poussant à la victoire électorale l'extrême droite allemande, de casser l'UE".
Alors que l'UE est dans l'attente d'annonces officielles de Donald Trump au sujet des droits de douane qu'il souhaite augmenter, l'économiste et ancien conseiller d'État appelle à "boycotter l'économie américaine". "Il faut en arriver à ne pas faire d'affaires avec eux", ajoute-t-il. À cause de ces mesures protectionnistes et de ses multiples brouilles avec plusieurs pays, Donald Trump a "déjà signé le déclin américain", selon Jacques Attali.
"Je continue à rêver d'une Russie démocratique faisant partie de l'UE"
En ce qui concerne la Russie et l'UE, Jacques Attali conserve l'espoir d'une future amélioration des relations : "Je continue à rêver d'une Russie démocratique faisant partie de l'UE, au-delà de la période Poutine. C'est une grande nation européenne avec une culture qui fait parfaitement partie de la nôtre", pense-t-il. Il alerte cependant sur la menace des ambitions expansionnistes russes. "Il faut être prêt à réagir à toute tentative de reprendre la Moldavie, à la menace d'empêcher le résultat d'élections démocratiques en Roumanie ou à la volonté de mettre la main sur les Pays baltes et ensuite de s'attaquer à la Pologne", énumère l'ancien conseiller d'État. "Il faut être prêts", ajoute-t-il.
"Il faut un grand patron de l'Europe de la défense"
Lors de son allocution adressée aux Français, Emmanuel Macron a tiré la sonnette d'alarme sur la nécessité de renforcer la défense européenne et a qualifié la Russie de "menace pour la France et pour l'Europe". Un discours que Jacques Attali qualifie "d'absolument parfait". "J'espère qu'il sera entendu", ajoute-t-il.
S'il qualifie "d'excellent" le plan présenté par la commission européenne afin de "réarmer l'Europe", il pense qu'il reste "incomplet". "Il faudrait admettre que l'Ukraine fait partie de l'Europe de la défense et que c'est l'occasion d'arrimer définitivement l'Ukraine dans l'UE car c'est une des meilleures armées d'Europe", affirme-t-il. Il insiste également sur la nécessité d'identifier le type d'armement dont l'Union a besoin pour sa défense : "Il faut acheter et faire construire les armes dont on aura besoin dans ces guerres." "Il faut également qu'il y ait un grand patron de l'Europe de la défense qui coordonne l'ensemble", conseille-t-il aux Vingt-Sept.
Jacques Attali appelle à accélérer cette organisation afin d'obtenir une Europe souveraine en termes de défense au plus vite : "Il faut être prêts maintenant", réitère-t-il. "Dans tous les domaines, les Européens doivent se mettre en situation d'économie de guerre. Il faut travailler, dans certains domaines, sept jours sur sept, 24h sur 24. Nous ne pouvons pas attendre cinq ans pour être prêts."
"Il faut avancer avec ceux qui le veulent"
Alors que l'UE a déjà proposé de mobiliser près de 800 milliards d'euros pour renforcer sa défense, la question des options de financement se pose. "Les dépenses pour l'économie de guerre, ce ne sont pas des dépenses perdues. Cela crée des emplois, de la croissance. Tout ce qui se passe là est une opportunité", tempère Jacques Attali.
Les États membres peinent à se mettre d'accord sur la nécessité d'un soutien à l'Ukraine mais Jacques Attali relativise : "Il faut avancer avec ceux qui le veulent. Si nous n'avons pas le soutien de la Hongrie, ce n'est pas tragique."
L'UE est confrontée à de nombreux défis, mais Jacques Attali appelle à "ne pas désespérer. (...) Il faut considérer que ce qui se passe est une chance. Une chance de nous unir davantage et de prendre en charge notre destin", conclut-il.
Emission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats et Isabelle Romero