Invité de la matinale de BFM TV et RMC ce mardi 3 juin, l’ingénieur Jean-Marc Jancovici a provoqué une vive polémique en répondant à la question de la journaliste Apolline de Malherbes. «Est-ce qu’il faudra sortir de la voiture ?», demande-t-elle. «C’est juste une question de temps, répond l’auteur de la BD «Le Monde sans fin». Je ne sais pas si ça va prendre 50 ans, deux siècles... mais c’est une question de temps», a martelé l’expert en énergie.
Selon Jancovici, «il est très difficile de conserver des véhicules d’une tonne et demie par personne avec une énergie pas chère dans un monde où il n’y aura plus de pétrole et plus de charbon. Donc on va vers un monde avec moins de voitures. On va être rattrapé par la patrouille si on ne le fait pas délibérément». Pour lui, la chute actuelle des ventes automobiles ne constitue qu’un avant-goût de cette évolution inéluctable. La déclaration n’a pas tardé à faire réagir l’association «40 millions d’automobilistes», qui a publié en milieu d’après-midi une réponse cinglante dénonçant ce qu’elle qualifie de «prophétie digne des plus grands oracles».
Le plaidoyer de 40 millions d’automobilistes
Dans cette lettre ouverte, l’association fustige une vision qu’elle juge déconnectée des réalités du terrain : «Entre les courbes de vos graphiques et la réalité du bitume, il y a parfois un fossé que même un 4x4 aurait du mal à franchir», lance Pierre Chasseray délégué général de «40 millions d’automobilistes».
La «tonne et demie par personne» évoquée par Jancovici n’est pas un «caprice de pollueur» mais une nécessité vitale pour des millions de Français, continue-t-il. Il rappelle que cette voiture familiale permet «d’aller travailler quand le bus passe une fois par semaine, d’emmener les enfants à l’école à 15 km de la maison, ou de se rendre chez le médecin en pleine campagne». L’association dénonce ainsi une vision urbano-centrée qui ignorerait les réalités de la France périphérique : «Cette “tonne et demie” que vous dédaignez, c’est le dernier rempart contre l’isolement, le cordon ombilical qui relie la France périphérique à ce que vous appelez si joliment la “ville dense”».
Face à l’affirmation de Jean-Marc Jancovici, sur un «monde où il n’y aura plus de pétrole, gaz ou charbon», l’association oppose «la réalité des chiffres» : plus de 80% des kilomètres parcourus en France sont réalisés avec un véhicule motorisé.
Vers «une transition juste et réaliste»
«40 millions d’automobilistes» assure ne pas rejeter l’objectif d’un monde plus durable, mais plaide pour «une transition juste et réaliste» qui ne se ferait pas «au détriment de la mobilité essentielle de nos concitoyens». L’association réaffirme donc sa position : «la voiture de demain sera différente, plus propre, plus connectée» mais «restera surtout, pour des millions de Français, le pilier de leur liberté de mouvement et de leur autonomie».
«Oui, l’électrique, c’est formidable. Mais sur le papier seulement... Et à quel prix ? Pour l’instant, c’est un peu comme la haute couture : on admire, mais on ne peut pas se l’offrir. Et les bornes de recharge ? Elles poussent aussi vite que les champignons après la pluie, mais seulement là où il y a déjà des voitures neuves... et des propriétaires avec des maisons individuelles capables d’accueillir une borne de recharge», conclut Pierre Chasseray. Affaire à suivre, avec une future réponse de Jean-Marc Jancovici ?