DOCUMENT. "Tout est cassé, tout est détruit" : après deux ans de guerre au Soudan, plongée dans Khartoum, une capitale ravagée

Dans les rues de Khartoum, aucun bâtiment n'est intact. Les rues, autrefois peuplées par sept millions de personnes, sont désertes. Sur le tarmac de l'aéroport international, ne restent que des carcasses d'avion pulvérisées. Même le palais présidentiel est entièrement détruit.

La capitale du Soudan, dans laquelle une équipe de France Télévisions a pu pénétrer pour la première fois, est ravagée par la guerre qui oppose, depuis avril 2023, l'armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), commandés par son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo.

Une ville en ruines

Sarah Hieba a tout abandonné pour s'installer en Egypte. Cette jeune Soudanaise revient dans sa ville natale et découvre, émue, l'ampleur des dégâts. "Ça, c'est l'école grecque. Là, c'est le bâtiment de l'Union européenne. C'est là où je travaillais. Là, c'est le centre-ville : normalement, il y a tellement d'embouteillages." Pendant deux ans, Khartoum est restée aux mains des milices armées. L'armée régulière n'en a repris le contrôle que le 26 mars dernier.

Dans la maison qui a vu grandir Sarah Hieba, tout a été pillé. Le salon est sens dessus dessous. Les photos de son enfance ont été étalées. "Ça fait vraiment bizarre de voir que [la ville] est vide", confie-t-elle, en expliquant s'être tenue au courant et avoir suivi la situation de loin, par le biais de vidéos ou de photos. "On avait une vie normale, une vie simple. On ne s'attendait pas à avoir une guerre. Peut-être un coup d'Etat, mais pas une guerre..." 

Près de l'hôpital universitaire de Khartoum, le plus ancien de la capitale, des cadavres d'hommes jonchent le sol. A l'intérieur du bâtiment, il ne reste rien. Toutes les machines nécessaires aux opérations ont été dérobées. Les câbles, arrachés. "Ce n'est plus un hôpital, c'est une ruine, pleure Abderrahmane Ibrahim, gardien de l'hôpital depuis 15 ans. Je n'arrive pas à y croire, tout est cassé. Tout est détruit."

 

La guerre entre les deux camps a plongé le pays entier dans une spirale de violence inouïe, provoquant au passage "la plus grande crise humanitaire", selon l'ONU. Les combats ont fait des dizaines de milliers de morts depuis 2023 et ont poussé plus de 13 millions de personnes à fuir.

Un pays en morceaux

En périphérie de Khartoum, l'hôpital Al Nao n'a jamais cessé de fonctionner. Ici sont accueillies des victimes des deux camps. Des civils, pour la plupart, souligne le directeur de l'établissement. Un homme, détenu par les paramilitaires pendant six mois, est arrivé ici avec une infection à la jambe et une fracture à l'avant-bras. "Ils ne nous donnaient pas à manger. Juste du pain sec et du sucre. Une fois par semaine, ils nous fouettaient", témoigne-t-il dans un état second. 

Le troisième plus grand pays d'Afrique est désormais morcelé. L'armée du général Burhane contrôle le centre, l'est et le nord du pays, tandis que les miliciens dominent l'ouest avec la quasi-totalité de la région du Darfour et certaines parties du sud. Chaque camp a également fait du viol une arme de guerre massive, comme en témoigne une femme, agressée par des paramilitaires.  

"Ils ont fait sortir mon mari ; moi, deux hommes m'ont violée. Quand le premier est sorti de la chambre, le deuxième est rentré. Ils ont jeté les enfants dehors, ils pleuraient", raconte-t-elle, encore traumatisée. "J'ai des sursauts la nuit. Quand quelqu'un frappe à la porte, j'ai peur aussi. J'ai l'impression que ce sont eux qui reviennent. Je fais beaucoup de cauchemars." A l'image de la descente aux enfers dans laquelle le pays a plongé.