«On va travailler encore plus dur» : Gaba et Ngayap Hambou ne sont pas rassasiés par Paris 2024

Personne ne voulait croire en eux, et tout le monde misait sur les femmes pour faire briller le judo français lors des Jeux de Paris 2024. Et puis finalement, les Bleus aussi ont brillé. En individuel tout d’abord, avec la médaille d’argent décrochée par Joan-Benjamin Gaba en moins de 73kg, suivie de celle en bronze de son ami Maxime-Gaël Ngayap Hambou en moins de 90kg. Avant, ensemble, de contribuer au nouveau sacre olympique par équipes, notamment Gaba, vainqueur en finale de la légende japonaise Hifumi Abe. Tous deux âgés de 23 ans, Gaba et Ngayap Hambou, réunis aux Etoiles du Sport à Tignes, sont revenus pour Le Figaro sur leur première expérience olympique, avant d’évoquer le futur.

Quatre mois après les Jeux, comment vont les forces spéciales ?
Maxime-Gael Ngayap Hambou : (rires) Les forces spéciales vont très bien. Là, sur les Etoiles du Sport, on est qu’une partie des forces spéciales, mais on est repartis à l’entraînement tous ensemble pour aller chercher d’autres médailles.

Cela a été compliqué de repartir à l’entraînement après ce que vous avez vécu lors de ces Jeux ? 
Joan-Benjamin Gaba : Non, cela a été. Après, ma situation était différente des autres car je ne suis pas reparti de suite à l’entraînement en raison d’une petite opération. Mais sans cela, j’aurais repris beaucoup plus vite.

M-G. N. H. : Perso, j’ai repris directement après les Jeux. Franchement, j’ai vite tourné la page de ces Jeux Olympiques. Je ne voulais pas rester focus sur ces Jeux, sur ces médailles. On sait qu’on a beaucoup d’autres médailles à aller chercher. Du coup, j’ai repris mon entraînement très rapidement.

L’équipe de France championne olympique JACK GUEZ / AFP

Est-ce que vous avez quand même des flashs, des moments qui vous reviennent souvent à l’esprit de ces Jeux ? 
J-B. G. : Quand je tombe sur des vidéos sur Insta, je suis obligé de regarder, et ça fait plaisir à chaque fois. Mais sinon, je n’ai pas tellement de flashs dans la vie.

M-G. N. H. : C’est pareil, quand je retombe dessus sur les réseaux, sur TikTok, je regarde et cela permet de se remémorer ces moments-là. Mais sinon, dans la vie, je n’y pense pas.

Plus sur votre compétition en individuel ou sur le titre par équipes ?
M-G. N. H. : Franchement, les deux.

Je savais qu’il allait le tuer.

Maxime-Gaël Ngayap Hambou

Maxime-Gaël, lors de la compétition par équipes, sur la finale face au Japon, quand Joan-Benjamin s’avance pour affronter la légende Hifumi Abe avec l’obligation de gagner, à quoi pensiez-vous ?
M-G. N. H. : Je savais qu’il allait le tuer (rires de Joan-Benjamin). C’est la vérité, je le savais. On en avait parlé la veille et je lui avais dit que s’il le prenait, il devait le battre.

Il le savait mieux que vous ?
M-G. N. H. : Non, je ne crois pas.

J-B. G. : Mais lui, c’est mon gars sûr (sourires).

M-G. N. H. : Je savais très bien que quand il allait monter sur le tatami, il allait lui rentrer dedans comme jamais. Abe n’était pas prêt à cela. Maintenant, si je suis honnête, quand je voyais que cela durait encore et encore, j’ai commencé à avoir des doutes. Je voyais bien Abe dans le dur physiquement mais plus un combat est long, plus on sait que tout peut arriver sur une seconde d’inattention.

J-B. G. : C’était dur, c’était dur, c’était dur (il se répète). Vraiment, je crois que je n’avais jamais eu à puiser au temps dans mes ressources, au bout de ce que je pouvais faire. Mais oui, j’étais convaincu que je pouvais le faire.

Joan-Benjamin Gaba lors de son exploit face au Japonais Abe JACK GUEZ / AFP

Le moment où il y a le tirage au sort, vous dites-vous qu’il faut que ce soit Teddy (Riner) ou bien aviez-vous envie d’y retourner ?
M-G. N. H. : On est deux combattants donc on avait très envie d’y aller. Mais après, c’est sûr quand on a vu que c’était les +90kg…

J-B. G : On était content. On s’est dit que c’était parfait.

Malgré votre fatigue du combat précédent, vous auriez pu y retourner ?
J-B. G. : Quelle question ? Bien sûr (rires). Mentalement et physiquement, j’étais prêt. Surtout qu’il ne faut pas oublier qu’Abe avait lâché autant d’énergie et d’influx que moi. Peut-être même plus vu qu’il avait perdu et j’avais vu à quel point il était marqué, touché dans son orgueil. J’étais prêt en tout cas.

Je me rappelle un jour à la Fédé, il y avait des anciens champions qui avaient pris la parole. C’était une dinguerie, ça.

Joan-Benjamin Gaba

Justement, votre entraîneur Stéphane Frémont m’avait dit qu’un judoka sans orgueil, ce n’était pas un judoka. À quel point le fait qu’on ne croit pas en vous vous a finalement surmotivé sur ces Jeux ?
J-B. G. : Ça m’a motivé de fou. Après, ça dépend des gens. Il y en a peut-être sur qui cela va faire l’effet inverse. Il y en a, c’est sûr, ça va les plomber en vrai.

M-G. N. H. : Nous, cela nous a vraiment donné de la force. On se disait entre nous : ils vont voir en vrai qu’on est là aussi.

J-B. G. : Le fait d’être deux nous a aidés aussi je pense. Je me rappelle que Stéphane nous avait dit, au Touquet lors du dernier stage de préparation, qu’à chaque fois aux Jeux, il y avait au moins quatre judokas qui montaient sur le podium alors que personne ne les attendait.

M-G. N. H. : C’est-à-dire quatre qui ne sont pas dans les têtes de série…

J-B. G. : Et nous, on avait dit, il y aura deux Français qui seront dans ce cas.

Maxime-Gaël Ngayap Hambou JACK GUEZ / AFP

La réussite des filles aussi vous piquait un peu, même si vous les adorez…
J-B. G : Oui, bien sûr. Je me rappelle un jour à la Fédé, il y avait des anciens champions qui avaient pris la parole. C’était une dinguerie, ça. On était tous posés là, les garçons, les filles, tous réunis avant les Jeux. Ils avaient fait un discours en disant : «Oui, donc on vise beaucoup de médailles et tout. Surtout, les filles, elles ont une équipe vraiment incroyable. Là, on peut viser le titre dans chaque catégorie. Et puis les garçons, alors comment dire…» Comment j’avais le seum ce jour-là.

M-G. N. H. : Franchement, quand on entendait ça… On s’en fichait sur le moment, mais avec le recul, je crois que cela nous a boostés.

Ces médailles ont-elles changé votre vie ?
J-B. G. : Au quotidien, c’est le même. On va à l’entraînement tous les jours pareil. On rentre chez nous pareil.

Financièrement ?
J-B. G. : Ça oui. Ça ne change pas la vie, mais cela a apporté un peu plus de confort. Mais on n’est pas devenu Kylian Mbappé non plus, loin de là (rires)...

M-G. N. H. : C’est ça. C’est le judo, ce n’est pas non plus le football. Mais la prime liée aux deux médailles a évidemment fait beaucoup de bien.

La suite, comment l’imaginez-vous maintenant ? Comment faire en sorte que ce ne soit pas un simple coup d’éclat ?
J-B. G. : Tout viendra du travail.

M-G. N. H. : C’est ça. On va continuer de travailler. Ça ne change pas. On est jeunes. On a encore beaucoup de médailles à chercher, comme je l’ai dit tout à l’heure. Du coup, on va rester avec nos forces spéciales pour travailler encore plus dur.

C’est quoi le concept des forces spéciales, comment le décririez-vous ?
J-B. G. : Éteindre. C’est exactement ça.

M-G. N. H. : Oui, éteindre. C’est le mot d’ordre en fait. C’est simple. Cela sonne plus MMA, c’est sûr, Mais c’est normal, ce sont deux sports de combat et en vrai, c’est la même mentalité. C’est juste qu’on est plus modérés dans notre manière de parler en judo.

Tous les deux, vous connaissez depuis combien de temps ?
M-G. N. H. : Depuis très longtemps. Je crois que cela fait plus de dix ans. Quand on était petit, on faisait les mêmes compétitions.

J-B. G. : On a toujours été potes, cela n’a jamais changé.