La présidentielle en Biélorussie, une formalité pour l'autocrate Alexandre Loukachenko
Les Biélorusses doivent se rendre aux urnes, dimanche 26 janvier, pour une élection présidentielle qui devrait reconduire sans surprise Alexandre Loukachenko, pour un septième mandat consécutif.
"C'est notre pilier", assure, dans le centre-ville de Minsk, Alina, qui n'hésite pas un instant à dire qu'elle votera pour l'autocrate assumé qui dirige d'une main de fer la Biélorussie depuis plus de 30 ans, ayant éliminé toute opposition.
La présidentielle de cette année ne sera qu'une formalité pour ce proche allié de Vladimir Poutine, à qui il avait prêté son territoire pour l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine voisine en février 2022.
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Le mouvement de contestation inédit qui s'était levé contre lui en 2020 après sa réélection a été éradiqué par la force : des centaines de Biélorusses ont été condamnés à de lourdes peines de prison et des centaines de milliers d'autres ont fui le pays, notamment en Pologne, laissant l'opposition exsangue.
Selon les organisations de défense des droits humains, il y a plus de 1 200 prisonniers politiques en Biélorussie, souvent détenus sans avoir accès à un avocat et pouvoir communiquer avec leurs proches.
"Il met de l'ordre dans le pays"
Contexte répressif ou pas, Alina, 19 ans, se dit convaincue que "la plupart des gens soutiennent" Alexandre Loukachenko. Mais comme la majorité des personnes interrogées par l'AFP, la jeune fille est prudente et préfère taire son nom de famille.
Quant à son niveau de vie, pas de plainte non plus. Alina dit gagner "1 400-1 600" roubles biélorusses par mois, soit autour de 450 euros, et "ça me va". "Je voterai pour 'Batka' !", lance-t-elle donc fièrement, utilisant le surnom populaire d'Alexandre Loukachenko, qui signifie "père" en biélorusse.
Comme tous les Biélorusses nés depuis l'indépendance du pays en 1991, cette employée de fast-food ne peut s'imaginer une autre personne à la tête de son pays.
Elle admet franchement "ne pas connaître" les quatre autres candidats validés par le pouvoir et relégués à un rôle de faire-valoir. Leurs visages sont d'ailleurs entièrement absents de l'espace public.
À quelques mètres de là, Vladimir Labanov, un jeune ingénieur de 24 ans, se montre aussi élogieux envers le président de 70 ans : "Je le respecte. C'est un homme fort. Il met de l'ordre dans le pays."
Sur les imposantes artères au style soviétique de Minsk, la capitale de ce pays de neuf millions d'habitants, de nombreux panneaux faisant la réclame de l'élection ont été installés aux arrêts de bus et sur des façades.
Dans la grisaille d'un hiver inhabituellement doux, chacun semble vaquer à ses affaires, sans trop se soucier de ce scrutin réglé d'avance.
Antonina, 77 ans, se félicite elle d'un coup de pouce opportun du dirigeant Loukachenko, qui a signé un décret à quelques jours de la présidentielle... pour revaloriser en moyenne de 10 % les retraites. "C'est très bien !", s'exclame, ravie, cette ancienne enseignante qui reçoit chaque mois environ 300 euros.
"Les sanctions touchent toutes les familles"
En Biélorussie, l'économie reste largement planifiée par l'État, un héritage de l'URSS cher à Alexandre Loukachenko, lui-même ancien directeur de kolkhoze, ces grandes fermes collectives.
Elle fait face depuis plusieurs années à de lourdes sanctions occidentales imposées en réponse à l'étouffement des voix critiques du pouvoir et, depuis 2022, en raison du soutien logistique fourni à l'invasion russe en Ukraine.
"Ce n'est pas important !", balaye Sergueï Kouznetsov, 74 ans, car selon lui la Biélorussie a déjà trouvé une alternative : "Toutes nos ventes sont destinées à la Chine", vante-t-il.
Dans les faits, les Biélorusses n'ont plus accès à de nombreux produits européens et ont perdu des marchés. Les liaisons ferroviaires et aériennes ont été coupées, le transport routier est sanctionné et Minsk doit compter sur Moscou pour soutenir son économie.
"Les sanctions touchent toutes les familles d'une façon ou d'une autre", reconnaît Dmitri, un professeur de 39 ans ayant voté jeudi en avance comme la loi biélorusse en prévoit la possibilité.
Mais son niveau de vie actuel avec sa femme et son enfant lui "convient", et il assure "faire confiance" à Alexandre Loukachenko. "J'ai grandi sous son règne", se justifie-t-il.
Autour de lui, il explique toutefois "connaître des gens qui sont partis" après le soulèvement populaire de 2020, notamment "par peur des persécutions" du tout-puissant KGB.
Un scrutin "pas conforme aux standards démocratiques", selon Paris
L'Union européenne estime pour sa part qu'Alexandre Loukachenko "n'a aucune légitimité démocratique" depuis la présidentielle "ni libre ni régulière" de 2020, en plus de violations "persistantes" des droits humains.
Quant à la France, elle a estimé samedi que le scrutin de dimanche "ne sera pas conforme aux standards démocratiques". Selon un communiqué du ministère français des Affaires étrangères, Paris "suivra avec attention le déroulement de l'élection présidentielle qui se tiendra le 26 janvier". Le Quai d'Orsay ajoute que "le niveau de répression sans précédent, les violations des droits de l'Homme, les restrictions à la participation à la vie politique et à l'accès aux médias indépendants privent cette élection de toute légitimité".
Avec AFP