Recensement : pourquoi des associations et syndicats appellent au boycott de la nouvelle question de l’Insee

« Nous appelons à ne pas répondre à une nouvelle question qui est introduite cette année sur le pays de naissance des parents », écrivent ensemble la LDH, la CGT, le Mrap, Solidaires et la FSU dans une tribune, publiée sur Mediapart, à propos de la campagne de recensement lancée par l’Insee dès ce jeudi 16 avril et qui durera jusqu’au 8 mars.

Si elles estiment que participer au recensement – qualifié de « bien public » – est un « acte civique », parmi les trois nouvelles questions ajoutées cette année par l’institut de statiques – les deux autres portant sur le télétravail et les situations de handicap -, celle sur l’origine des parents des personnes recensées suscite ainsi l’inquiétude de ces associations et syndicats, qui craignent l’introduction de statistiques ethniques.

« Un pas vers une possible inégalité de traitement »

La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés « interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent la prétendue origine raciale ou l’origine ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique » sauf si elles sont collectées « à des fins de recherche scientifique ou historique ».

La CGT, le Mrap, la LDH, la FSU et Solidaires considèrent que l’enregistrement de l’origine immigrée des parents « est un pas vers une possible inégalité de traitement par l’État sur cette base », notamment dans le cadre de politiques possiblement mises en œuvre par l’extrême droite.

« Les déclarations du président du RN indiquant que « des personnes d’origine étrangère, qui travaillent, qui ne font rien de mal, n’ont rien à craindre de son parti » disent clairement que ce serait un critère dans ses politiques d’extrême droite », ajoutent Nathalie Tehio (LDH), Sophie Binet (CGT) Benoît Teste (FSU), François Sauterey (Mrap), Julie Ferrua et Murielle Guilbert (Solidaires), dans leur tribune commune assortie d’une pétition.

« Les refus de répondre envoient un message fort »

Pour l’Insee, qui a toutefois rendu cette question facultative parce que 5 % des personnes ayant testé le nouveau questionnaire se sont dites gênées d’y répondre, il s’agit au contraire de mieux cerner les inégalités liées à cette donnée, notamment en termes d’accès au logement et à l’emploi, afin de mettre en œuvre des politiques publiques pour les déjouer.

Une position soutenue par de nombreux démographes, dont Patrick Simon de l’Institut national d’études démographiques (Ined) et spécialiste des discriminations, pour qui afin de « lutter contre le racisme, il ne faut pas invisibiliser la question de la « race » ».

Un argument qui ne convainc pas les associations et les syndicats. « Le recensement de la population n’est pas l’instrument adapté, ce n’est pas son objet » déclarent ces organisations, qui appellent au « développement d’enquêtes approfondies, menées avec tout le sérieux de la statistique publique auprès d’échantillons représentatifs de la population » afin « que de bons chiffres soient produits pour montrer les inégalités qui résultent des discriminations pratiquées en lien avec une origine étrangère, une couleur de peau, une religion supposée ».

Et de conclure : « Les refus de répondre envoient un message fort de refus d’être mis dans des cases liées à l’origine géographique, à la couleur de peau, à une religion présumée. »

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