Chikungunya à La Réunion : "L'épidémie touche l'ensemble de l'île", confirme l'ARS qui s'attend à avoir au moins "10 000 cas à la fin de la semaine"

L'épidémie de chikungunya à La Réunion "touche l'ensemble de l'île" et "toutes les tranches d'âge", a confirmé vendredi 21 mars sur franceinfo Xavier Deparis, directeur de la veille et de la sécurité sanitaire au sein de l’Agence régionale de santé (ARS). 

franceinfo : L'épidémie s'étend-elle à toute l'île ?

Xavier Deparis : Oui, tout à fait. Elle touche l'ensemble de l'île, toutes les couches d'âges. On s'attend à avoir, à la fin de la semaine, plus de 10 000 cas confirmés en laboratoire, mais en réalité bien plus sur le terrain, puisqu'on sait que tout le monde ne consulte pas son écran. Et les médecins ne prescrivent pas systématiquement un bilan sanguin pour venir confirmer une infection.

C'est toujours inquiétant d'avoir une épidémie dans une dynamique comme celle-ci. Après, on sait que les épidémies de chikungunya sont toujours très intenses et très dynamiques. Le virus se réplique très rapidement chez le moustique, beaucoup plus qu'avec la dengue. Donc, il y a une dynamique d'épidémie et un nombre de cas beaucoup plus important. Actuellement, dans l'hémisphère sud, on est à la fin de l'été austral. L'été est une période propice pour le moustique, puisque les chaleurs sont intenses, il y a normalement beaucoup de pluies, et on a eu beaucoup de pluies après le passage du cyclone (Garance). Heureusement, on a une épidémie qui est d'intensité beaucoup plus modérée que celle de 2005-2006.

À l'époque, il n'y avait pas de vaccin. Est-ce que vaccin a du "succès" aujourd'hui ?

Pour l'instant, il y a près de 350 doses de vaccin qui ont été vendues à La Réunion. Ce vaccin n'est pas remboursé. Il a l'autorisation de mise sur le marché européen, mais il n'est pas passé en commission économique de la santé qui permet son remboursement par la Sécurité sociale. Il y a beaucoup de délais administratifs. La Haute Autorité de santé (HAS) a produit un avis en urgence en recommandant la vaccination pour les plus de 65 ans qui sont porteurs de maladies chroniques, ceux qu'on appelle "comorbides" dans notre jargon médical. L'ARS à La Réunion, en collaboration avec le ministère, a acheté 40 000 doses pour les réserver et pouvoir proposer la vaccination gratuite aux plus de 65 ans comorbides à La Réunion. Cette campagne de vaccination va pouvoir commencer début avril.

L'autre pilier de la lutte contre le chikungunya, c'est la démoustication ?

Tout à fait ! La vaccination, c'est une très bonne chose, bien évidemment, mais actuellement, il ne faut pas perdre de vue que le meilleur moyen est d'éviter de se faire piquer contre le moustique. Et donc, c'est la lutte contre le moustique. Ça passe par l'élimination. Le moustique a besoin d'eau pour pondre ses œufs et se reproduire. C'est l'élimination de toutes les collections d'eau, qu'on appelle gîtes larvaires, il faut se protéger des piqûres de moustiques en utilisant des produits répulsifs, en portant des vêtements longs et puis aller consulter son médecin si on a des signes évocateurs et des douleurs dans les articulations… Les Réunionnais connaissent très bien cette symptomatologie d'arbovirose.

La mort de deux personnes ces derniers jours a-t-elle provoqué une prise de conscience ?

C'est un choc auquel on s'attendait malheureusement. On s'attendait à ce que ça survienne à un moment donné, parce que c'est survenu chez des personnes âgées et comorbides, donc des personnes connues et identifiées comme des personnes fragiles. Donc, ce n'est pas vraiment une surprise. Mais c'est effectivement un choc pour la population réunionnaise dans son ensemble que l'on va essayer de positiver en mobilisant toute la population et puis toutes les personnes qui s'investissent pour lutter au quotidien contre cette épidémie.