États-Unis : des Européens, dont des Français, pourraient être transférés à Guantánamo, selon la presse américaine

Les premiers vols transportant des migrants clandestins à destination de la base militaire américaine de Guantánamo avaient décollé début février. Selon le Washington Post, Donald Trump prévoit d’accélérer significativement ces transferts dès cette semaine, incluant cette fois-ci des citoyens de pays alliés, dont des Français. Le quotidien américain, sur la base de documents de l’administration américaine, évoque également des citoyens d’autres pays en Europe comme le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne et la Pologne mais aussi la Turquie ou l’Ukraine. Le Washington Post fait savoir par ailleurs que la Maison-Blanche n’est tout simplement pas disposée à informer ses alliés, même les plus proches comme la France, de ces transferts.

En tout, 9000 dossiers seraient actuellement à l’étude pour un transfert très prochain dans le centre de rétention, après les quelques centaines de migrants en situation illégale déjà arrivés depuis le début de l’année. Les personnes doivent être soumises à un examen médical pour vérifier qu’elles soient en assez bonne santé pour être envoyées dans l’enclave américaine à Cuba. «Cet article est une fausse information. Cela n’arrivera pas», a démenti mercredi sur X la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt.

«Je ne suis pas convaincu par le démenti de la Maison-Blanche»

Le média Politico, pourtant, va dans le même sens que le Washington Post, sans mentionner la présence de citoyens français. Le site, là encore à l’appui de documents officiels, évoque lui aussi le chiffre de 9000 et la présence d’Européens, précisant même que ces derniers seraient 800. Parmi eux, un Autrichien, 100 Roumains et 170 Russes. Ce projet de transferts de citoyens membres de pays alliés «a alarmé certains diplomates américains, qui soulignent que [ces pays] coopèrent pour le retour des personnes expulsées et qu’il n’est pas nécessaire de les envoyer à Guantanamo. Les responsables du Département d’État en charge de l’Europe tentent de persuader le département de la sécurité intérieure d’abandonner ce projet», selon Politico.

«Je ne suis pas convaincu par le démenti de la Maison-Blanche. Si cela est avéré, c’est d’une gravité exceptionnelle, a réagi au Figaro l’eurodéputé Sandro Gozi, secrétaire général du parti démocrate européen. Il faut que l’on en sache plus. C’est en tout cas une alerte maximale. Et si cela se confirme, il faudra engager des démarches diplomatiques immédiates auprès des autorités américaines pour faire respecter les procédures judiciaires car Guantanamo a toujours été un trou noir des droits fondamentaux».

Désengorger les prisons

Pour l’administration Trump, une telle opération est nécessaire afin de libérer de la place dans les prisons fédérales depuis que le nouveau président a décidé de lancer de vastes opérations d’expulsion de migrants clandestins. En janvier, le successeur de Joe Biden avait fixé un objectif de «30.000 migrants» à Guantánamo. Des tentes avaient même été installées à la hâte. Et s’il n’y a aucune garantie, pour l’heure, que la base puisse accueillir un tel nombre de personnes, la prison «n’atteint pas sa capacité maximale», rapporte aussi le Washington Post citant un des documents consultés.

Le mémorandum signé prévoyait de porter à «pleine capacité» le centre de rétention de migrants déjà existant sur la base militaire pour y enfermer «des criminels étrangers présents de manière illégale» sur le territoire américain. «Sous la direction du président Trump, nous cherchons à fixer un objectif d’au moins 3000 arrestations par jour pour l’ICE» (l’agence de contrôle aux frontières), a déclaré le chef de cabinet adjoint de la Maison-Blanche, Stephen Miller, à Fox News en mai dernier.

La prison de Guantánamo a été ouverte en 2002, à l’intérieur d’une base militaire américaine située sur l’île de Cuba, dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» déclarée par l’ex-président George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001. L’immense majorité des 780 détenus, qui ont d’abord été enfermés dans des cages puis dans des cellules construites à la hâte ont depuis été relâchés, certains après plus de 10 ans de détention sans inculpation. En janvier 2025, il restait 15 prisonniers sur place. La prison de Guantánamo est devenue, pour de nombreuses ONG de défense des droits humains, un symbole des excès et de l’arbitraire dans la lutte contre le terrorisme, à cause de ses conditions de détention extrêmes et de son recours à la torture.