Jordan Bardella et Marion Maréchal s’envolent pour une visite inédite en Israël

C’est un tournant majeur pour la famille nationaliste. Dix-huit mois après les attaques terroristes du Hamas, le 7 Octobre en Israël, Jordan Bardella et Marion Maréchal se sont envolés mardi, séparément, vers l’État hébreu. Une première pour le dauphin et la nièce de Marine Le Pen. Invités par le ministre israélien des Affaires de la diaspora, Amichai Chikli, à la conférence internationale de la lutte contre l’antisémitisme, prévue ces mercredi et jeudi à Jérusalem, les deux eurodéputés voient surtout dans ce voyage une aubaine. Celle de parachever la « dédiabolisation » de leur camp, qui se heurte encore à des résistances dans l’opinion, en raison des saillies et des provocations antisémites répétées de Jean-Marie Le Pen.

« C’est incontestablement historique », s’est réjouie Marine Le Pen il y a quelques jours sur CNews-Europe 1, alors qu’elle-même n’a jamais pu se rendre en Israël - son entrée a été refusée en 2006 -, ni même participer au Dîner du Crif en France. Si la patronne des députés RN n’est pas conviée au colloque, elle peut tout de même se frotter les mains : aucun dirigeant du Front devenu Rassemblement national, et aucun membre de la famille Le Pen, n’avait jusque-là foulé le sol israélien. La double finaliste de la présidentielle récolte ici les fruits de son travail vis-à-vis de la communauté juive française, dont elle se revendique désormais le « meilleur bouclier », mais aussi de son soutien inconditionnel au gouvernement de Benyamin Netanyahou dans la guerre qu’il livre depuis un an et demi au Hamas.

Un contexte régional tendu

Malgré un contexte régional tendu, l’État hébreu ayant repris ses bombardements sur la bande de Gaza pour, dit-il, forcer l’organisation djihadiste à libérer les otages restants, Jordan Bardella assume son déplacement en Israël. « Je ne suis pas là pour condamner ou ne pas condamner » les « opérations militaires » mais bien pour « parler de la lutte nécessaire contre l’antisémitisme », a répliqué mercredi le président du RN sur BFM-RMC, disant vouloir engager un dialogue « avec toutes les nations qui mènent un combat contre le fondamentalisme islamique ».

Avant d’aborder jeudi la question de l’antisémitisme, le président du parti à la flamme a prévu de se rendre la veille dans le sud du pays pour y visiter les kibboutz et les lieux du festival de musique Nova, deux sites emblématiques des massacres du Hamas. Il dînera ensuite le soir même avec le ministre israélien Amichai Chikli, puis enchaînera le lendemain les rencontres à huis clos à la Knesset, le Parlement de l’État hébreu.

Quand bien même Israël est un allié, il ne faut pas apparaître trop proche de Netanyahou

Député nationaliste

Après son discours, Jordan Bardella devrait échanger avec la communauté française d’Israël. Un activisme qui interroge dans les rangs du RN. « Quand bien même Israël est un allié, il ne faut pas apparaître trop proche de Netanyahou », met en garde un député nationaliste, appelant à « faire attention à ne pas être démesurément pro-israélien pour racheter les propos antisémites de Jean-Marie Le Pen».

Le Crif toujours «méfiant» à l’égard du RN

Quant à Marion Maréchal, petite-fille du « Menhir », elle devrait suivre le même programme que le leader du RN. L’eurodéputée a beau se présenter comme la descendante politique du cofondateur du Front national (FN), plusieurs fois condamné par la justice, elle souhaite porter un « témoignage d’amitié au peuple israélien », selon son entourage, qui prend soin de ne pas épiloguer sur cet encombrant héritage familial. « Cette invitation, c’est la reconnaissance de la place qu’elle occupe dans le débat français et de son combat aux côtés de nos compatriotes juifs contre l’islamisme », assure-t-on de même source.

Signe toutefois que le camp nationaliste n’a pas terminé son entreprise de normalisation, le philosophe Bernard-Henri Lévy a annulé sa participation à la conférence après l’annonce de la venue de Jordan Bardella et Marion Maréchal à Jérusalem. De son côté, le président du Crif, Yonathan Arfi, s’est démarqué sur RMC du gouvernement israélien qui fait « ses propres choix politiques » en invitant ces deux eurodéputés. Tout en accusant le Rassemblement national d’« instrumentaliser » l’antisémitisme pour « se mettre en scène dans une stratégie de conquête du pouvoir ». « Le Crif est une structure de gauche (…). C’est à nos compatriotes de confession juive, peut-être, de dégauchiser le Crif, pour qu’il reprenne véritablement le rôle qui doit être le sien (…)», lui a sèchement rétorqué Marine Le Pen, mardi, depuis l’Assemblée.

Outre les deux têtes d’affiche françaises, plusieurs représentants de partis européens de la droite nationaliste ont également été conviés au colloque, comme ceux de Fidesz (le mouvement du premier ministre hongrois, Viktor Orban), du Vox espagnol ou des Démocrates suédois. Ces formations ayant déjà été épinglées, dans le passé, pour avoir compté des membres révisionnistes ou néonazis, leurs venues en Israël symbolisent à dessein le renversement d’alliances à la tête de l’État hébreu. Où l’on considère désormais que la principale menace vient de « l’islamo-gauchisme ».