Isabelle Huppert émue et couronnée au 15e Festival Lumière de Lyon

Cette année, le cœur de la ville de Lyon a battu pour Isabelle Huppert. Au centre de l’agglomération ainsi qu’aux abords de L’Institut Lumière, affiches, bandeaux, panneaux publicitaires, drapeaux et autres tracts n’ont cessé de représenter le visage de l’actrice à qui le festival remettait pour sa quinzième édition le fameux Prix Lumière.

Si Catherine Deneuve l’avait précédée de quelques années, cette soirée orchestrée dans le gigantesque Amphithéâtre Salle 3000, a été l’occasion de faire défiler devant les spectateurs lyonnais quelques célébrités (François Ozon, Emmanuelle Béart, Sandrine KiberlainLaurent Gerra, James Franco, Noémie Merlant, Ludivine Sagnier, Anthony Delon, Guillaume Gallienne, Claire Denis, Alejandro Jodorowsky, Julien Clerc, etc...) sur la partition d’Il était une fois la révolution signée Ennio Morricone.

Isabelle Huppert a eu droit quant à elle à la chanson culte du groupe Début de soirée Nuit de folie pour son entrée en scène. Maître de cérémonie, Thierry Frémaux expliqua avec malice qu’il s’agissait de l’une de ses « chansons préférées ». Ce que l’intéressée ne nia pas, bien au contraire, puisqu’elle aura chanté et dansé à plusieurs reprises au son de ce tube des années 80.

Le spectacle avait de l’envergure. Camélia Jordana a entonné I will survive de Gloria Gaynor, une des autres chansons préférées d'Isabelle Huppert. Présidente de l'Institut Lumière, Irène Jacob a présenté la lauréate comme une actrice qui fait du cinéma « parce que c’est sa façon d’aimer ».

«J’aime beaucoup recevoir des Prix»

L’actrice qui jouait dans La Porte du Paradis de Michael Cimino (venu au festival Lumière quelques années avant sa mort) rappela combien le tournage de ce chef-d'œuvre du western au destin agité « avait été épique, parti pour deux mois et qui ne s’acheva que huit mois plus tard dans le Montana. Quand le film est sorti aux États-Unis, on a très vite su que la porte du paradis allait se refermer pour que s’ouvre celle de l’enfer. Présenter ce film à Lyon aura été pour lui comme une réconciliation. Il s’attendait à ce que cela se passe en Amérique, mais c’est la France qui lui a offert. » 

Les prix, quand on y réfléchit, c'est un peu pour calmer les artistes turbulents, mais aussi pour dire à celle ou celui qui le reçoit qu'il n'a pas travaillé pour rien. En recevant le Prix Lumière , j'entends : « Isabelle, tu as bien fait ton travail

Isabelle Huppert

 

Quand le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron, accompagné de l’actrice Noémie Merlant a remis le trophée du Prix Lumière à Isabelle Huppert, l’actrice fétiche de Claude Chabrol et Michael Haneke a montré son émotion : « J’aime beaucoup recevoir des Prix. Les prix, quand on y réfléchit, c’est un peu pour calmer les artistes turbulents, mais aussi pour dire à celle ou celui qui le reçoit qu’il n’a pas travaillé pour rien. En recevant le Prix Lumière , j’entends : « Isabelle, tu as bien fait ton travail ». C’est important le travail. (...) Avec le cinéma, j’ai fait le tour du monde. Mais je n’ai pas fait le tour de la question. J’ai beau continuer à en faire, je n’en finis pas de penser : « Qu’est-ce que j’ai encore à dire? ». Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’un écran, ça montre et ça cache. Ça protège et ça expose. Pas un écran de fumée, non, plutôt un écrin qui garde précieusement toutes celles et tous ceux que j’ai rencontrés. Le cinéma me regarde. Ça aide à vivre d’être regardée. (...) Mais ce soir, ce que j’aime par-dessus tout, c’est ici et maintenant, ce moment joyeux et merveilleux où je vous dis, à toutes et à tous, du fond du cœur: Merci ! »

 

 

Lyon lui a offert un tonnerre d’applaudissements. Dans la ville natale du cinéma, « là où la vue sur l’histoire du 7e art est imprenable depuis la rue du Premier-film », comme aime à le rappeler Frémaux, Isabelle Huppert avait donné l’après-midi même au Théâtre des Célestin, une « master class », chose rare pour ceux qui connaissent la discrétion de celle qui fut inoubliable dans La Pianiste. À la question de Thierry Frémaux qui lui demandait si elle était une survivante, elle répondit : « Je suis une vivante! » Elle précisa qu’elle « ne s’était jamais vraiment considérée comme une artiste, qu’elle faisait ses choix de films sur de pures intuitions ».

 

«Le cinéma, un art qui saisit quelque chose du vivant»

Interrogée sur le cinéma, l’actrice de Coup de torchon avoua : « Le cinéma a beaucoup à voir avec le secret. J’ai eu la chance extraordinaire de tourner avec des réalisateurs qui m’ont laissé raconter mon histoire entre moi et moi. » Et de préciser également : « À l’écran, je joue des personnes, pas des personnages. Le cinéma, c’est un art qui saisit quelque chose du vivant. Ça fabrique de l’instant. C’est une caméra, et c’est quelqu’un qui vous regarde. »

La misogynie, j'ai appris très vite à l'identifier. Elle existe bien sûr au cinéma, mais elle existe aussi partout ailleurs...

Isabelle Huppert

En veine de confidences, l'actrice aux deux César a avoué que si elle « avait peur des ascenseurs, elle n'avait en revanche pas peur de l'inconnu ». Ce qu'elle a largement démontré en allant tourner des films dans le monde entier, parfois dans des conditions extrêmes.

Interrogée par une personne dans la salle, sur les comédiens toxiques avec lesquels elle a tourné durant ses cinquante ans de carrière, Isabelle Huppert ne s’est pas démonté : « La misogynie, j’ai appris très vite à l’identifier. Elle existe bien sûr au cinéma, mais elle existe aussi partout ailleurs... » 

Si elle refuse de dire quels sont les livres qu’elle lit en ce moment, elle aura volontiers confié: « Mes «fleurs préférées, ce sont les roses ». La beauté ne va pas sans épine, on n’en est pas du tout étonné!