Le ministère de la Culture espagnol retire une momie d’un musée afin de ne plus exposer « de restes humains »
La décolonisation des musées espagnols est en marche. Depuis mardi, les visiteurs du Musée archéologique national de Madrid ne pourront plus admirer la momie d’un chef Guanche qui était exposée depuis décembre 2015. La raison : le respect d’une Charte d’engagement éthique sur le traitement des restes humains, adoptée par le Ministère de la Culture et les 16 Musées de l’État il y a un an.
La momie d’un chef Guanche est un cadavre desséché, qui a vécu entre le XIIe et le XIIIe siècle, provient d’une grotte du ravin d’Herques, sur la côte sud-est de l’île de Tenerife, explique le journal El País . Les Guanches étaient le peuple indigène qui habitait les îles Canaries lorsqu’elles ont été conquises par la Couronne de Castille à la fin du XVe siècle. La momie a été trouvée avec des centaines d’autres dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Depuis 1976, le gouvernement de Tenerife réclame d’ailleurs sa restitution pour l’exposé au Musée de la nature et d’archéologie présent sur l’île.
Elle était exposée au Musée archéologique national « avec un petit cartouche ». Pour Rosa Dávila, présidente du gouvernement de Tenerife, le déplacement de la momie est « inadmissible », déclare-t-elle au journal britannique The Times. Son retrait est une conséquence de la politique menée par le ministre de la Culture, Ernest Urtasun, pour « décoloniser » les musées nationaux. Selon le journal La Vanguardia , le simple cartouche présent à côté de de la momie ne justifie pas sa présence dans les collections du musée. Le ministère de la Culture indique à El País qu’il « serait possible » qu’elle soit à nouveau exposée si elles sont accompagnées d’affiches « qui ajoutent de la valeur ».
Près de 15 000 restes humains dans les musées
Des momies du Pérou qui se trouvent au Musée d’Amérique ont également été retirées lundi. Selon un rapport du ministère de la Culture publié par le quotidien espagnol, le nombre total de restes humains conservés dans les musées nationaux s’élève à 14 845. Le Musée archéologique national en possède 10 060, dont des corps complets, des parties et des reliquaires. Combien seront retirés des collections des musées espagnols ?
La charte qui détaille les directives du Code d’éthique du Conseil international des musées (ICOM), a été publiée lundi matin sur les sites Internet de chaque musée. Elle indique que les restes humains être retirés des collections comprennent les os, les personnes momifiées, les tissus mous ou des objets comportant des éléments dérivés de restes humains. Ils devront ensuite être conservés et traités « avec respect et dignité, et conformément aux intérêts et aux croyances des communautés et des groupes ethniques ou religieux d’origine », indique la charte.
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«Les cheveux, les ongles, les dents et les objets fabriqués à partir de ceux-ci, tels que les poupées ou les reliquaires et les moulages de corps humains » ne sont pas considérés par cette obligation indique le journal La Vanguardia . Tout comme les masques mortuaires, les enregistrements sonores de voix humaines, les photographies et les objets funéraires.
Depuis l’arrivée de Ernest Urtasun à la tête du ministère de la Culture espagnol, plusieurs grands chantiers ont été entrepris dans les collections des musées nationaux. En 2024, le gouvernement a notamment réalisé un inventaire, mentionnant 5 000 pièces pillées par le régime franquiste, qui doivent être restituées à leur propriétaire légitime.