Après «l’eggflation» aux États-Unis, faut-il craindre une pénurie d’œufs en France ?
Les Français auront-ils bientôt plus de difficultés à trouver des œufs pour cuisiner leur omelette ou leur gâteau ? Depuis plusieurs semaines, les rayons de certains supermarchés français affichent des ruptures d’œufs. Devant l’étal vide d’un supermarché parisien, une affiche alerte les clients : «Le marché des œufs connaît actuellement des tensions qui impactent l’approvisionnement dans toute la grande distribution». Une situation qui n’est pas sans rappeler celle, préoccupante, des États-Unis.
Outre-Atlantique, les consommateurs font ainsi face à des difficultés d’approvisionnement, dues à des épidémies de grippe aviaire, ainsi qu’à une demande en hausse. De quoi faire flamber les prix : pour une douzaine de gros œufs de catégorie A, il fallait débourser 5,29 dollars en décembre, contre 3,65 dollars en novembre, et 2,51 dollars en décembre 2023, selon les statistiques du gouvernement. Une multiplication par deux en un an. «Nous avons subi la pire inflation en 48 ans, et peut-être même de l’histoire de notre pays, regrettait Donald Trump, en janvier.
En France, les professionnels reconnaissent un «manque d’œufs», en cette fin mars, tout en réfutant le terme, anxiogène, de «pénuries». «Il y a eu des ruptures d’œufs, et il y a encore dans quelques filières des ruptures, mais ce sont des ruptures, pas des pénuries», a ainsi nuancé Michel-Edouard Leclerc, président des centres E. Leclerc, sur RTL, mercredi 19 mars. Une distinction importante, alors que la question de l’approvisionnement en œufs inquiète certains consommateurs.
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Une consommation en hausse
Plusieurs facteurs expliquent ces difficultés d’approvisionnement. D’une part, la consommation d’œufs a progressé : selon le Comité national pour la promotion de l’œuf (CNPO), les ventes en magasin ont augmenté de 5% en janvier-février 2025 par rapport à la même période en 2024. L’inflation pousse en effet certains ménages à se tourner vers cette protéine animale, la moins chère du marché. «Ceux qui achètent moins de viande parce que c’est trop cher achètent des œufs parce que c’est de la protéine», analyse ainsi Michel-Edouard Leclerc.
Les effets de la grippe aviaire sur la production, quant à eux, font débat. «Il y a eu une grosse grippe aviaire, donc pour relancer des poules pondeuses, il faut un petit temps, mais je ne pense pas qu’il y ait de dramatisation», tempère Michel-Edouard Leclerc. Thomas Bartlett, secrétaire général du Syndicat National des Industriels et Professionnels de l’Œuf (SNIPO), nuance ces propos : «Non, la grippe aviaire n’a pas impacté la France cette année, et le manque d’œufs que nous connaissons actuellement n’est pas lié à une crise de grippe aviaire en France. La production en 2024 reste stable par rapport à 2023».
Si les rayons peuvent sembler plus clairsemés, c’est aussi parce que certains consommateurs, influencés par les images venues des États-Unis, anticipent une possible pénurie et achètent plus d’œufs qu’habituellement. Un phénomène qui rappelle les ruées sur la farine ou les pâtes au début de la crise du Covid-19. Thomas Bartlett explique : «La crise aux États-Unis, liée à la grippe aviaire, est très médiatisée. Elle a entraîné un effet de panique chez le consommateur. Par réflexe, nous avons vu certains consommateurs acheter plus de boîtes d’œufs qu’habituellement, déstabilisant les approvisionnements qui étaient déjà très tendus».
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Des comparaisons avec les États-Unis
Si certains consommateurs craignent un scénario inflationniste à l’américaine, les professionnels du secteur l’assurent : la situation n’est en rien comparable. Aux États-Unis, la flambée des prix a été spectaculaire : en un an, le coût moyen d’une douzaine a bondi de 65%, atteignant jusqu’à 9,99 dollars, voire 19,99 dollars la boîte de 18 œufs selon les États. Une hausse qui devrait se poursuivre, avec une augmentation estimée de 41,1% en 2025 selon le département américain de l’Agriculture.
En France, les experts se veulent rassurants. «Pour le consommateur, il n’y aura aucune hausse du prix des œufs au niveau de la distribution, puisque ces prix sont définis par les négociations annuelles qui se sont clôturées au 1er mars. Ces prix sont encadrés par les indicateurs Egalim, qui sont basés sur le coût de production, et non sur le cours du marché», explique le secrétaire général de SNIPO.