Sur la Côte d’Azur, le luxueux hôtel Maybourne Riviera rénové grâce aux millions d’euros du Qatar devant la justice

Cela aurait pu être une simple affaire d’urbanisme. Mais il s’agit d’un luxueux hôtel de la Côte d’Azur à l’extraordinaire panorama. Une bâtisse incroyable suspendue à 300 mètres au-dessus de la mer, dominant Monaco d’un côté, la côte italienne de l’autre. Bienvenue au Maybourne Riviera de Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes), dont l’architecture et l’emplacement ne peuvent laisser personne insensible, mais qui se retrouve au cœur d’une trouble et complexe affaire judiciaire.

Les acteurs ? Hamad ben Khalifa Al Thani, ancien émir du Qatar ; Paddy McKillen, un maître d’œuvre irlandais réputé ; une ex-élue d’opposition de la commune et des riverains, à l’origine des multiples alertes sur les travaux de rénovation menés sur cet éperon rocheux, dont une partie est classée. À la barre du tribunal de Nice, mardi, c’est seulement un homme de 63 ans à l’impeccable costume foncé assorti d’une cravate rouge, Gilles de Boissieu, qui répond en tant que gestionnaire de la fortune de son altesse qatarienne.

Sur le fil, en décembre 2014, l’émir s’offrait pour plus de 30 millions d’euros les 40.000 mètres carrés de l’ex-Vista Palace alors en liquidation judiciaire. Il est renommé Maybourne Riviera. D’importants travaux de rénovation doivent être engagés pour refaire de ce lieu une vitrine de ce qui se fait de plus beau et extravagant sur la Côte d’Azur. Pour cela, l’architecte de renom Jean-Michel Wilmotte est choisi ainsi que Vinci. «C’est le chantier le plus important que nous avions à gérer», a reconnu Gilles de Boissieu lors de l’audience. «Avec Wilmotte et Vinci, je pensais qu’on était à l’abri de tous les ennuis. L’histoire s’est écrite différemment», a-t-il poursuivi, avouant qu’il n’était pas forcément compétent pour gérer des travaux de cette ampleur.

Avec Wilmotte et Vinci, je pensais qu’on était à l’abri de tous les ennuis. L’histoire s’est écrite différemment...

Gilles de Boissieu, gestionnaire de fortune de Hamad ben Khalifa Al Thani

Du jour au lendemain, on lui demande de confier le chantier à Paddy McKillen, un homme d’affaires irlandais, francophile, spécialiste dans les reprises d’hôtels de cette envergure et à qui on doit la réussite du château La Coste. «Le dieu de l’Olympe», le décrira Gilles de Boissieu, lui déléguant alors la maîtrise d’ouvrage. Mais des alertes sur des irrégularités sont vite formulées par l’Apave, organisme spécialisé dans la maîtrise des risques, lors de l’avancée du chantier.

Des bouts de roches tombent même sur la maison d’une octogénaire située juste en dessous. Et des plaintes suivront concernant des manquements aux règles d’urbanisme alors que des interrogations subsistent concernant les différents permis rectificatifs accordés. L’hôtel, lui, avait malgré tout pu ouvrir en grande pompe en juillet 2021. Un feu vert accordé par la commission communale de sécurité qui n’avait pour sa part relevé que quelques soucis sans gravité.

Mais la plainte de l’ancienne élue d’opposition aboutit, jusqu’à ce procès, mardi 18 mars, après un renvoi. «Une pichenette sur l’oreille de Qatariens», a résumé avec scepticisme son avocat, Me Clément Bossis. «Tous les Roquebrunois se retrouvent désormais face à cette immondice», a-t-il dénoncé, en décrivant ce dossier comme «symptomatique de la Côte d’Azur». «Une réputation pas totalement usurpée», a glissé le procureur, qui a requis 150.000 euros d’amende pour les deux sociétés de l’émir en lien avec l’acquisition et la gestion du bijou de béton et d’acier. Ce qui peut paraître dérisoire face aux centaines de millions d’euros engagés pour la rénovation.

Deux plaintes contre McKillen

La défense des intérêts de l’ancien émir rejette pour sa part toute la faute sur un homme, Paddy McKillen. Ils jurent n’avoir été au courant d’aucune difficulté rencontrée dans la conduite des travaux et d’avoir subitement tout découvert. Les plus de cinquante tirants d’ancrage, en pleine falaise, peuvent questionner. «McKillen nous disait : “Vous devez me faire confiance, je suis le sachant”. Mais on a abusé de notre confiance», a expliqué Gilles de Boissieu. Deux plaintes ont ainsi été déposées pour extorsion de fonds et abus de confiance, preuve que l’histoire de ce palace controversé n’en est pas terminée.

«Je ne comprends pas trop sur quel pied vous dansez vis-à-vis de Monsieur McKillen», s’est interrogé le représentant du ministère public à propos de cet absent très présent lors de l’audience. «Nous ne sommes pas sur de petites infractions, il existe une responsabilité du maître d’ouvrage, même s’il a délégué. Et cela aurait peut-être permis d’éviter ce procès», a-t-il poursuivi.

Visite guidée du Maybourne Riviera

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Car sur ce volet - on l’aurait presque oublié - on reproche à l’hôtel l’exploitation détournée et illicite de 1200 mètres carrés, dont 200 qui correspondent à l’aménagement d’un parking en zone rouge. Les autorités avaient alors découvert le pot aux roses en novembre 2024 : un local technique, un vestiaire pour les employés, une chaufferie, un système de climatisation, un bureau et un balcon avec pilier... à des endroits censés être interdit au public pour des raisons géologiques.

Délibéré le 20 mai. Avec ses 90 chambres, le Maybourne Riviera, lui, est actuellement fermé. Quelques travaux rectificatifs doivent être réalisés avant le début de l’été...