Mais que se passe-t-il sur l’île grecque de Santorin, secouée par des centaines de séismes depuis quelques jours ?

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Depuis vendredi, l’archipel grec de Santorin est secoué par d’innombrables «petits» tremblements de terre. La situation est particulièrement anxiogène pour les habitants et les touristes, dans la mesure où le sol tremble très régulièrement, parfois à quelques minutes d’intervalle seulement. Plusieurs centaines de séismes ont été enregistrées ce week-end, avec des magnitudes allant jusqu’à 5. Les écoles ont été fermées et certaines zones évacuées, en raison d’un risque de submersion en cas de tsunami, ou bien de risques d’éboulement de falaises ou de glissement de terrain. La terre continuait de trembler régulièrement ce lundi.

Mais que se passe-t-il exactement ? Pour l’heure, les scientifiques restent circonspects. Si Santorin est d’origine volcanique, cette recrudescence d’activité sismique n’est pas liée à la caldeira qui se situe sous l’île. Ce n’est donc pas un réveil du volcan. «Les épicentres des séismes sont localisés au nord-est de Santorin, autour d’une faille qui est alignée selon un axe nord-est/sud-ouest entre Santorin et l’île non volcanique d’Amorgos», explique Tim Druitt, professeur de volcanologie au laboratoire magmas et volcans, dans le consortium ClerVolc de Clermont-Ferrand. «Il semble clair que cette faille bouge.» Il s’agit d’une zone de rift avec deux morceaux qui s’écartent et coulissent l’un par rapport à l’autre (l’un monte et l’autre descend, on parle de faille «normale»).

Reste à savoir si l’origine de ces déplacements est purement tectonique. «Lorsque vous avez une crise sismique d’origine tectonique, cela commence généralement par un événement brutal de magnitude assez élevée suivi par des essaims de répliques de plus faible intensité», explique Nathalie Feuillet, professeur de géophysique à l’Institut de physique du globe, à Paris. «Or c’est tout le contraire que nous observons ici avec une activité qui a démarré à bas bruit en décembre, avec une multiplication et une intensification des séismes avec le temps.» Au total, ce sont plus de 500 séismes qui ont été enregistrés ces derniers mois avec un emballement très net ces derniers jours, qui concentrent plus de la moitié des événements, comme on peut le voir sur une figure publiée par le Centre sismologique euro-méditerranéen.

«Cette augmentation de l’activité sismique est plutôt typique d’une zone avec des fluides, qu’ils s’agissent de remontées magmatiques ou de fluides hydrothermaux», précise Nathalie Feuillet. «Or il y a des volcans sous-marins dans cette zone, il y a peut-être un lien. On observe d’ailleurs une petite déformation sur Santorin, qui évolue tout doucement depuis plusieurs semaines, ce qui serait compatible avec une remontée de fluide.»

En résumé, les séismes sont plutôt répartis le long d’une faille tectonique, mais le déroulé de la crise fait plutôt pencher pour du volcanisme. Et il n’est pas exclu qu’il y ait des interactions entre la faille et les volcans sous-marins. «Pour tout dire, nous ne savons pas exactement ce qui se passe, et tous les scénarios restent envisageables», estime Frédérique Leclerc, chercheuse au laboratoire Géoazur de l’Université de la Côte d’Azur qui dirige justement un projet de recherche dans la région pour mieux comprendre le séisme dramatique survenu en 1956. Un séisme de magnitude supérieur à 7 avait alors déclenché un tsunami provoquant la mort de dizaines de personnes sur l’île d’Amorgos, à 50 km au nord est de Santorin. «C’est ce même système de failles qui s’était alors rompu, mais dans un scénario classique d’un événement important suivi de répliques», raconte la scientifique.

Incertitudes

Plus récemment, Santorin a déjà connu une vague de séismes similaire à celle qui est en cours. Les événements s’étaient répartis sur 14 mois entre 2011 et 2012. «Ils étaient en revanche localisés dans la caldeira de Santorin, qui s’était clairement soulevée», rappelle Nathalie Feuillet. «Il n’y a pas eu d’éruption et on ne sait pas s’il s’agissait d’eau ou de magma qui ont fracturé la roche, mais la nature volcanique de cet épisode était assez claire.» Rappelons aussi que la zone a déjà connu des éruptions cataclysmiques, notamment en 1650, ce qui ajoute à l’angoisse ressentie actuellement.

Comment la situation pourrait-elle évoluer ? «Tout est possible», estime Frédérique Leclercq. «L’épisode peut continuer à gagner en intensité et se prolonger dans le temps, comme il peut s’interrompre dans les prochains jours. Il n’est malheureusement pas possible d’exclure un séisme plus important ou une éruption sous-marine conséquente. Mais cela ne veut pas dire non plus que l’un ou l’autre va se produire. Pour l’instant, nous n’en savons tout simplement rien.» La faille ayant rompu de manière importante en 1956, il semble toutefois peu probable qu’elle ait pu accumuler assez de contraintes pour générer un séisme de très grande intensité.

Les scientifiques grecs sont sur le pied de guerre pour analyser les données sismologiques dont ils disposent et tenter de mieux comprendre ce qui est en train de se produire sous leurs pieds. «Je conseille aux résidents et aux touristes d’écouter les conseils des scientifiques et du gouvernement, et de les suivre», résume Tim Druitt.