Droits TV de la Ligue 1 : quatre questions sur la réunion d'urgence de la LFP après la menace de non-paiement de DAZN
La LFP et DAZN, nouvel épisode. Un conseil d'administration de la Ligue professionnelle de football (LFP) a été convoqué en urgence, mercredi 12 février. Il y sera notamment question des droits TV, pour lesquels le diffuseur actuel, DAZN, menace de ne pas payer une partie du montant, prévu pour vendredi. Dans un mail envoyé aux membres du CA, le président de la LFP, Vincent Labrune, évoque une "situation malheureusement urgente". Franceinfo: sport fait le point.
Comment en est-on arrivé là ?
Diffuseur officiel depuis l'été dernier de neuf des dix matchs de chaque journée de Ligue 1, DAZN se heurte depuis six mois à des difficultés d'exploitation. Le prix de l'abonnement, malgré des aménagements, avait rebuté une partie du public. La question du piratage également, qui sabre le nombre d'abonnements, estimé à 500 000 selon RMC, loin de l'objectif initial. Une étude réalisée l'automne dernier par l'institut Ipsos avait révélé que 55% des spectateurs du match OM-PSG fin octobre auraient eu recours à des sources illégales.
Une déception du diffuseur, qui précipite cette réunion du conseil d'administration en pleine saison de Ligue 1. "Ça ne respire pas la sérénité, ça fait un peu une réaction de panique. Après il n'y a rien d'extrêmement surprenant dans la mesure où DAZN est en train de mettre en oeuvre une stratégie pour payer moins cher et renégocier le contrat", estime Pierre Maes, consultant en droits TV et auteur de La ruine du foot français.
Pourquoi maintenant ?
Car le quatrième versement est attendu pour vendredi. Mais la plateforme menace de ne pas le faire. Une stratégie de défaut de paiement qui inquiète, puisque le diffuseur, qui avait acquis les droits pour 400 millions d'euros en moyenne par an jusqu'en 2029, est en situation de monopole. "Ils profitent d'un nouveau rapport de force. Le pouvoir qui se trouvait avant complètement aux mains des ligues s'équilibre un petit peu au bénéfice du diffuseur. Et donc DAZN, qui est un redoutable négociateur, en profite et n'hésite pas à jouer d'un certain contexte émotionnel en France pour un peu mettre la panique", analyse Pierre Maes.
Le groupe, détenu par Len Blavatnik, un des hommes les plus riches du Royaume-Uni, a accumulé presque sept milliards de dettes depuis sa création en 2016. Et y voit un moyen de réduire ses coûts en mettant la pression sur la ligue, prise au piège. "La survie du groupe DAZN dépend de la volonté de son propriétaire de remettre au pot à chaque fois. Ce qu'il a toujours fait jusqu'ici. Ce groupe est sous pression constante. Donc ils ne vont pas avoir d'état d'âme", ajoute le spécialiste.
Le contrat entre DAZN et la LFP peut-il être rompu ?
La vraie inquiétude serait la peur du vide pour la LFP si le bras de fer venait à s'intensifier. Si le diffuseur se refuse définitivement à payer, la ligue peut-elle décider de casser le contrat ? "S'il y a un défaut de paiement qui est acté et que ce défaut de paiement se prolonge, peut-être qu'à un moment donné, contractuellement, ils ont les moyens de rompre le contrat. Mais si la LFP a l'intention de le casser, ce défaut de paiement de quelques jours n'est pas suffisant. Ça va prendre des mois", relève Pierre Maes.
"La Ligue n'est pas en mesure de dire à DAZN : 'Si vous ne payez pas je vous mets dehors, j'ai cinq diffuseurs qui attendent de faire une offre'. Il n'y a plus personne"
Pierre Maes, consultant en droits TVà franceinfo: sport
Mais l'absence de prétendants, observée l'été dernier, joue en faveur de DAZN, qui s'est décidé à mettre la pression pour faire baisser la valeur du contrat plutôt que le casser. "Pour eux, le plus tôt sera le mieux. Le rapport de force est plutôt à leur bénéfice, donc ils vont tenter d'en profiter. C'est un peu comme Mediapro : à partir du moment où vous ne payez pas, vous vous mettez en défaut, mais il faut aller chercher l'argent dans votre poche après. Donc ça met DAZN en position de force. Et ce côté agressif, ils n'ont jamais fait ça nulle part", poursuit Pierre Maes.
Quels sont les risques à long terme ?
A terme, peut-on envisager que DAZN se retire ? "Non, je pense pas. Parce qu'avoir un contrat important dans un des pays du Big Five européen, c'est très important dans la valorisation qu'ils font du groupe DAZN, valorisation qui leur sert dans toute leurs discussions d'ouverture de leur actionnariat", tempère le spécialiste.
Alors que la DNCG, le gendarme financier de la LFP, envisage une perte d'exploitation de 1,2 milliard d'euros suite à la baisse du montant des droits TV, le danger guette une nouvelle fois la LFP, et donc les clubs français par extension. "C'est un danger parce que la LFP va sans doute perdre une nouvelle fois la face. Maintenant, est-ce qu'il y a un danger de survie ? Je ne pense pas. Les clubs ont eu la prudence de budgéter assez peu en recette de droits télé. S'il y a encore un petit peu moins, je ne pense pas que ça va mettre des clubs en danger. Et au final, on l'a vu avec Mediapro, où on nous a promis beaucoup de faillite. Au final, les propriétaires remettent au pot et tout revient dans l'ordre", conclut Pierre Maes.
En effet, les clubs français se sont montrés très actifs lors du mercato d'hiver, notamment dans le sens des départs. D'après un rapport publié vendredi par la Fifa, les indemnités de transfert en janvier ont rapporté aux clubs français 357 millions d'euros, loin devant les Allemands, en deuxième position, qui ont vendu pour 218,65 millions d'euros.