« Je n’aime plus mon mari mais j’aime toujours mon diamant ! » : faut-il rendre sa bague de fiançailles en cas de divorce ?
Au moment du partage des biens, Louis s’était préparé à tout, sauf à ça. Après cinq ans de mariage et douze ans de vie commune, Inès qui a été à l’initiative de leur divorce, veut garder la bague de fiançailles. « J’étais prêt à lui céder tous les meubles et même notre appartement, pour en finir, explique le trentenaire. Mais cette bague, c’est le symbole de notre amour . Elle ne va tout de même pas continuer de la porter comme une vulgaire montre ! »
Inès ne voit pas les choses du même œil. La bague, un diamant solitaire monté sur un anneau en platine signé Cartier, est certes un bijou chargé de sentiments, mais reflète aussi « ce dont j’ai toujours rêvé enfant, précise-t-elle. C’est un bijou que j’étais fière de montrer et que j’ai choisi avant tout parce qu’il me plaisait. J’y suis très attachée et je pourrais lui donner une autre signification. » Elle songe d’ailleurs à le porter au majeur gauche (l’annulaire étant destiné aux fiançailles) ou bien à la main droite.
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Albane non plus n’était pas prête à se priver de sa bague lorsqu’elle a divorcé en plein confinement : « Le fait de ne plus aimer mon mari ne m’empêche pas de toujours aimer mon diamant ! Et puis, donner, c’est donner ; reprendre, c’est voler, comme disent les enfants ? » Bien consciente pour autant que ce cadeau n’était pas comme les autres, la Lyonnaise de 33 ans a décidé de lui donner une nouvelle symbolique en faisant de la pierre de centre un pendentif qu’elle porte tous les jours. C’est la même idée qu’a eue Emily Ratajkowski quand son mariage avec le producteur Sebastian Bear-McClard, s’est achevé dans la douleur en 2022. Le mannequin a modifié sa bague de fiançailles Toi et Moi (deux pierres nichées côte à côte) en deux bagues distinctes Ses « divorce rings » comme elle les a appelées, sont d’ailleurs devenues une curieuse tendance sur Instagram.
La boutique parisienne de bijoux anciens 58 Facettes, accueille régulièrement des clientes qui leur confient ces bagues de fiançailles déchues afin de les transformer en bracelets ou en boucles d’oreilles. « Histoire de faire évoluer le bijou, à l’image de leur histoire, raconte Étienne Liebgott, l’expert en joaillerie de la marque. Nous vendons aussi d’anciennes bagues de fiançailles, dans ce cas-là, nous retirons évidemment les gravures, nous les repolissons, les nettoyons et les trempons dans de l’eau de source pour recharger leurs énergies. »
Un cas d’école
Pour Martin, « une bague de fiançailles a une valeur pécuniaire. Personnellement, je me suis saigné pour l’offrir à mon ex-femme. En divorçant, j’ai veillé à ce qu’elle me revienne, d’autant plus que mon père m’avait aidé pour son achat. » Ces décisions qui semblent être du ressort de la bonne foi de chaque couple, sont en fait un cas juridique enseigné en travaux dirigés dès la première année de droit. « C’est une question intéressante car elle entraîne beaucoup de crispations de par son côté romantique, qui fait écho à une période censée être heureuse mais révolue. On touche à la vanité, à l’argent et les familles sont souvent impliquées, explique Me Héloïse Kawaishi, avocate en droit de la famille associée du cabinet PacisLexis Family Law. Malgré la liberté matrimoniale, la jurisprudence a réservé un sort particulier à la bague de fiançailles. » La justice étant là pour délier l’émotion du bijou et décider, si le stade de la confrontation n’est pas passé, à qui reviendrait sa restitution.
Il faut alors s’en remettre à l’arrêt Sacha Guitry qui stipule depuis 1952 qu’un cadeau consenti par un mari à son épouse peut être qualifié, non pas de « donation », mais de « présent d’usage » non restituable s’il est offert sous les deux conditions suivantes : dans le cadre d’une circonstance particulière (ici, des fiançailles) ; et la modicité du cadeau au regard de la fortune et du train de vie du disposant. « On considère qu’un époux gagnant 3 500 euros par mois peut se permettre d’offrir un bijou à 600 euros, poursuit l’avocate. Dans le cadre de Martin, que le père a aidé en faveur du mariage, il s’agira non plus d’un “présent d’usage”, bien qu’offert dans le cadre d’une circonstance particulière mais d’une “donation propter nuptias” puisque le disposant a dépensé une somme disproportionnée par rapport à ses revenus. La restitution est alors envisageable. »
Seul cas où le caractère sentimental prévaudrait sur tout autre statut : le bijou de famille « c’est-à-dire non pas simplement un bijou au style ancien, très en vogue actuellement, mais une pierre ou plus ayant fait l’objet d’une transmission par un membre de la famille et dont la restitution, elle, est obligatoire puisque la durée de ce présent d’usage est adossée à celle de l’union du couple. »