«Je me sens trahie» : ces fonctionnaires américains licenciés qui regrettent d’avoir voté pour Donald Trump
Robert McCabe a «compris» que son sort était scellé quand il n’a pas réussi à se connecter à Teams en arrivant au bureau, un matin de fin février. La lettre de licenciement est arrivée en fin de journée, raconte-t-il à la chaîne locale NBC10. Comme des dizaines de milliers de fonctionnaires américains, cet employé du bureau de Philadelphie de l’agence fédérale des impôts (IRS) a fait les frais des réductions d’effectifs à la hache menées par Elon Musk et son département pour l’efficacité gouvernementale (Doge), comme promis par Donald Trump pendant sa campagne.
Le choc est d’autant plus rude pour Robert McCabe qu’il était un fervent supporteur du président américain, réélu en novembre. Le gaspillage d’argent public dans une administration fédérale qui serait trop peu efficace, il «y croyait». C’est même pour cela qu’il avait postulé, «pour faire changer les choses» de l’intérieur. Mais la méthode Trump l’a déçu. Il pensait que «quelqu’un comme lui, avec du flair en affaires», saurait dénicher les économies à faire au cas par cas, «plutôt que de venir avec une boule de démolition en détruisant la vie des gens».
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Envies personnelles
Avec les licenciements massifs de fonctionnaires qui ont débuté dès l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les médias américains font leurs choux gras de ces témoignages d’électeurs républicains sonnés par la brutalité d’une méthode qu’ils ont soutenue… Jusqu’à ce qu’elle les touche personnellement. «Je me sens un peu trahie», reconnaît auprès de Reuters Jennifer Piggot, renvoyée de son poste au bureau du fisc en Virginie-Occidentale. Séduite par la promesse de «stopper le gaspillage et la fraude» dans l’administration, elle a voté trois fois pour Donald Trump, affichant fièrement son soutien par un drapeau électoral planté devant sa maison. «On me dit “vous saviez que ça arriverait”, mais on ne le savait pas, se désole-t-elle. Pas un électeur à qui j’ai parlé n’avait compris à quel point cette administration dévasterait nos vies.»
Quand vous entrez dans l’isoloir, vous pensez à vos problèmes, à ce qui résonne en vous à ce moment-là.
Ryleigh Cooper, ex-fonctionnaire du US Forest Service
Ryleigh Cooper, 24 ans, était beaucoup moins engagée pour le candidat républicain. Elle avait même voté pour Joe Biden en 2019, raconte le Washington Post . Fonctionnaire pour le US Forest Service, agence en charge de la gestion des forêts, la jeune femme atteinte d’endométriose ne parvient pas à avoir un bébé avec son mari. En novembre, elle donne sa voix à Donald Trump, qui promet de faire rembourser la fécondation in vitro (Fiv). Licenciée mi-février, elle perd son salaire de 40.000 dollars annuels, son assurance maladie et son droit à un congé maternité. Ce vote était «une décision dont, avec le recul, je ne suis pas fière», a-t-elle reconnu sur CNN. «Quand vous entrez dans l’isoloir, vous pensez à vos problèmes, à ce qui résonne en vous à ce moment-là.»
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«Pas de bonne option»
«Si je pouvais remonter le temps, je voterais pour [Kamala] Harris», se lamente Jay Smith, viré de son poste à l’IRS, interrogé par NBC10. D’autres, à l’inverse, ne regrettent pas leur choix. «Il n’y avait pas de très bonne option», se justifie ainsi James Diaz sur CNN. Celui qui a voté trois fois pour Donald Trump pense toujours qu’«il y a des abus» dans l’administration fédérale, mais il critique la méthode : «Je ne pense pas qu’ils font un bon très bon travail sur ce qui doit être coupé», avance-t-il. «Au lieu d’être ciblées, les coupes sont devenues hors de contrôle», acquiesce dans le Los Angeles Times un fonctionnaire évincé du ministère de l’Agriculture, où il étudiait l’adaptation des cultures aux sécheresses et maladies.
Des regrets qui suscitent des commentaires moqueurs d’anti-Trump sur les réseaux sociaux. «Ça devient hors de contrôle = cela me touche directement», raille un internaute sous un recueil de témoignages de fonctionnaires électeurs de Trump et licenciés. Et d’ajouter : «Ils n’en ont rien à faire si ça ne les concerne pas. C’est difficile de ressentir de la sympathie.» D’autres les narguent carrément : «Je déteste dire ça, mais vous avez eu ce que vous méritiez.»
Sentant peut-être le vent tourner, Donald Trump a tempéré les ardeurs d’Elon Musk, appelant à utiliser «le scalpel» plutôt que «la hache» . «Il est très important que nous réduisions les effectifs, mais il est aussi important de garder les gens les meilleurs et les plus qualifiés». Pas de quoi améliorer pour autant le sort des personnes déjà touchées par ces coupes.