Le jugement a fait l’effet d’une bombe. Ce lundi matin, Marine Le Pen a été condamnée à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire - et à quatre ans de prison, dont deux avec sursis - par le tribunal correctionnel de Paris, qui rendait son jugement sur l’affaire des assistants parlementaires européens du Front national. Une décision qui s’applique immédiatement, même en cas d’appel. Déclarée coupable de détournement de fonds publics, la patronne des députés RN se voit donc pour l’instant empêchée par la justice d’être candidate une quatrième fois à l’élection présidentielle.
Visiblement excédée, l’élue d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) a quitté prématurément la salle d’audience avant le prononcé de sa peine. Les troupes du parti à la flamme ont très vite fait bloc derrière la double finaliste de la présidentielle. «Aujourd’hui, ce n’est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée : c’est la démocratie française qui est exécutée», s’est indigné son dauphin Jordan Bardella, qui pourrait reprendre le flambeau nationaliste. Huit autres élus marinistes ont également été condamnés à des peines d’inéligibilité et d’amendes, à l’issue de deux mois de procès.
Allié au RN, Éric Ciotti a à son tour dénoncé une «cabale judiciaire» qui confisque «le destin démocratique de notre nation». «Ce n’est pas un simple dysfonctionnement, c’est un système de captation du pouvoir qui écarte systématiquement tout candidat trop à droite en mesure de gagner, de François Fillon à Marine Le Pen», a poursuivi le patron de l’UDR. «Ce n’est pas aux juges de décider pour qui doit voter le peuple», a renchéri son rival nationaliste et président de Reconquête, Éric Zemmour.
Les ministres de François Bayrou se sont quant à eux bien gardés de faire tout commentaire, alors que le chef du gouvernement disait redouter «un choc dans l’opinion» en cas de condamnation avec exécution provisoire. Depuis la salle des Quatre Colonnes à l’Assemblée nationale, la macroniste Prisca Thevenot a de son côté estimé que les élus marinistes, y compris leur patronne, étaient «des citoyens comme les autres». «À partir du combien dans les sondages, on estime qu’on est au-dessus des lois ?», a interrogé la députée, alors que Marine Le Pen caracolait en tête du premier tour (37%) dans une récente enquête Ifop-Fiducial.
Une lecture contestée par le président des députés LR, Laurent Wauquiez, qui a regretté une «décision très lourde et exceptionnelle». «Il n’est pas sain que dans une démocratie, une élue soit interdite de se présenter à une élection. Les débats politiques doivent être tranchés dans les urnes», a-t-il commenté en marge de sa réunion publique à Royan (Charente-Maritime). De la même manière, l’eurodéputé LR, François-Xavier Bellamy, a déploré «une date» qui restera «un jour très sombre pour la démocratie française».
«Nous le battrons aussi demain dans les urnes»
À gauche aussi, nombreux ont appelé à respecter la décision de la justice. «Quand on donne des leçons d’exemplarité à tout le monde, on doit commencer par se l’appliquer à soi-même», a tancé Marine Tondelier, patronne des Verts et conseillère d’opposition dans le fief RN d’Hénin-Beaumont. Même son de cloche pour sa camarade et présidente des députés écologistes, Cyrielle Châtelain, qui y voit un «devoir d’exemplarité». «Ça fait partie du contrat démocratique quand on est un élu, d’être exemplaire», a complété le socialiste Jérôme Guedj.
Adversaire de longue date de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon a, lui, réagi plus sobrement sur les réseaux sociaux : «La décision de destituer un élu devrait revenir au peuple.» Interrogé sur France 3 quelques jours avant le jugement, le leader insoumis avait déjà estimé qu’une inéligibilité avec exécution provisoire de la figure nationaliste ne serait «pas juste». Le mouvement mélenchoniste «n’a jamais comme moyen d’action d’utiliser un tribunal pour se débarrasser du Rassemblement national», ont réagi ses troupes dans un communiqué publié ce lundi midi. «Nous le battrons aussi demain dans les urnes, quel que soit son ou sa candidate.»