La libération des otages, cette victoire tant attendue par Israël

Correspondant à Jérusalem (Israël)

Obtenue samedi grâce à une audacieuse opération militaire, la libération de quatre otages a été accueillie avec une grande joie en Israël. Alors que le pays est plongé dans une crise qui semble chaque jour plus profonde,c’est une victoire dont il avait besoin. Mais elle ne règle pas les problèmes cruciaux auxquels l’État hébreu est confronté.

Cette victoire a été obtenue au prix d’un lourd bilan humain : selon le ministère de la Santé du Hamas dans la bande de Gaza, 274 morts et 698 blessés, « dont certains en état critique. » Le nombre très élevé de victimes palestiniennes peut s’expliquer en partie par le fait que le raid a eu lieu en plein jour, dans un quartier commerçant du camp de réfugiés de Nuseirat. Un endroit dans lequel l’armée israélienne n’était pas encore intervenue et dont la population a augmenté depuis l’évacuation de la ville de Rafah, tout au sud de la bande de Gaza.

Humiliation pour le Hamas

Les images relayées sur les réseaux sociaux par des Palestiniens présents sur place montrent l’intensité de l’attaque. Elle a redoublé quand un camion banalisé serait tombé en panne au beau milieu du camp de réfugiés, avec à son bord trois otages tout juste libérés et des membres des forces spéciales israéliennes confrontés à des combattants du Hamas affluant de toutes parts. Côté israélien, un officier a trouvé la mort au cours de l’opération.

Israël excelle toujours dans les opérations coup de poing et héroïques

L’armée israélienne avait besoin de cette réussite. Après huit mois de guerre dans la bande de Gaza à la suite de son incapacité à prévenir l’attaque terroriste du 7 octobre, son image s’est nettement détériorée dans la société israélienne. Analyste au Maariv, un journal de centre droit, Ben Caspit se réjouit de voir qu’Israël « excelle toujours dans les opérations coup de poing et héroïques ». Mais il déplore aussi que le pays « soit bien moins bon pour la stratégie à long terme ».

Une allusion au flou des objectifs militaires qui ont été fixés par Benyamin Netanyahou : outre la libération des otages, le « démantèlement du Hamas ». Une mission qui ressemble de plus en plus à une gageure pour l’armée israélienne, qui semble condamnée à tourner en rond dans la bande de Gaza. « Quand il n’y a pas d’objectif clair, il n’y a pas de victoire, c’est aussi simple que ça », conclut le commentateur.

La libération de ces quatre otages est une humiliation pour le Hamas, frappé au cœur des rares territoires qu’il contrôle encore dans la bande de Gaza. Dimanche, il a annoncé la mort de trois otages israéliens aux cours de l’opération de Nuseirat. Mohamed Marsaoui, un haut responsable du mouvement, dénonce « un massacre commis avec l’aide des États-Unis » et promet, menaçant, que « la résistance prendra des mesures qui auront des conséquences sur la vie des otages » toujours aux mains du mouvement islamiste. Il en reste 120, dont une quarantaine serait morts. La question est de savoir quelles conséquences aura l’opération de Nuseirat sur les négociations en vue de leur libération. Le mouvement islamiste serait en train d’évaluer une proposition israélienne. Quelles sont ses intentions ? « Cette opération ne changera rien au prix qu’Israël devra payer », a lancé un autre responsable du mouvement.

Des répercussions politiques

Ce coup de théâtre a eu un effet immédiat sur la scène politique israélienne. C’était samedi soir que Benny Gantz devait prendre la parole pour, probablement, annoncer sa démission du cabinet de guerre. L’annonce de la libération survenue, il a repoussé sa conférence de presse à dimanche soir. Benny Gantz est le chef du Parti de l’Unité nationale, qui caracole en tête des sondages depuis des mois. Bien qu’opposant à Benyamin Netanyahou, il a accepté de rejoindre le cabinet de guerre, fondé après le 7 octobre. Il y siège aux côtés d’une autre figure de l’opposition, Gadi Eisenkot. Les désaccords entre ces hommes et Benyamin Netanyahou sont notoires. Courant mai, ils ont poussé Benny Gantz à menacer de quitter le cabinet de guerre si une série de problèmes n’étaient pas réglés avant le 8 juin. Samedi soir, le premier ministre a demandé à son rival de rester malgré tout au sein de sa coalition.

Mais le fait est que les six questions soulevées par Benny Gantz attendent toujours une solution. En premier chef, il y a le retour des otages, auquel il accorde plus d’importance que la « victoire contre le Hamas », favorisée, elle, par l’aile extrémiste de la coalition de Benyamin Netanyahou. Viennent aussi la question de l’après-guerre et celle de la mise en place d’une alternative politique au Hamas dans la bande de Gaza ; celle du retour des 60 000 Israéliens évacués du nord du pays, où la situation est de plus en plus tendue ; celle d’une éventuelle normalisation avec l’Arabie saoudite et, enfin, l’éternel problème de la conscription des ultraorthodoxes.

Sujets brûlants

Autant de sujets brûlants. « En quittant le gouvernement sur ces six points, Benny Gantz poserait les éléments structurant sa vision de la politique étrangère d’Israël. Cela lui permettrait d’installer un clivage avec Benyamin Netanyahou. Il veut incarner une position centrale en le renvoyant à son alliance faustienne avec Ben Gvir et Smotrich », relève David Khalfa, de la fondation Jean Jaurès.

En cas de démission, Benny Gantz deviendrait probablement le leader de l’opposition, ravissant cette fonction à Yair Lapid. Cet ex-premier ministre, chef du parti Yesh Atid, avait refusé de rejoindre le gouvernement de crise. L’objectif de Benny Gantz serait alors de précipiter des élections – le mandat de Benyamin Netanyahou court jusqu’à l’automne 2026.

Privé de cette présence relativement modérée au sein de son gouvernement, Benyamin Netanyahou se retrouverait condamné à ne gouverner qu’avec ses alliés de la première heure, à savoir deux partis ultraorthodoxes et deux partis sionistes religieux. Il ne risque pas de perdre sa majorité à la Knesset. Mais les positions radicales de ces encombrants soutiens pourraient le plonger dans une impasse. Pour les ultraorthodoxes, pas question de renoncer à l’exemption de service militaire dont bénéficient les « étudiants en torah ». Pour Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, la guerre dans la bande de Gaza est surtout une opportunité pour vider ce territoire de sa population palestinienne et y implanter des colonies israéliennes.