Nantes : la Petite maman Noël ou le retour d’une égérie féministe

Nantes : la Petite maman Noël ou le retour d’une égérie féministe

La Petite maman Noël siège en hauteur dans le centre de Nantes.  LT/Le Figaro 

Désormais disponible en peluche, cette créature engagée vise notamment à «questionner les rôles genrés» et offrir un modèle féminin à la société. «On est encore en plein wokisme sur une période où on n’a pas envie», dénonce cependant le conseiller municipal de l’opposition Guillaume Richard.

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En 2023, son arrivée n’était pas passée inaperçue. Un an plus tard, la mère Noël est de retour à Nantes. Imaginée par Virginie Barré, elle siège dans le centre-ville, au niveau de l’esplanade Feydeau. Il faut lever les yeux pour observer cette créature aux cheveux détachés, vêtue d’un jogging rouge et blanc. Sa présence répond à une proposition du Voyage à Nantes (VAN), l’organisme touristique chargé de promouvoir la culture, qui a demandé l’an passé à l’artiste «d’imaginer une évocation renouvelée d’un Père Noël  en écho au site de l’Autre Marché», un marché de Noël de l’économie sociale et solidaire. Dans le dossier de presse mentionnant ces explications, la «Petite maman Noël» trône sur la première page et est présentée comme une proposition artistique qui «affirme avec humour et légèreté un regard féministe»

Avis mitigés 

Il y a un an, alors que la ville avait fait fi des guirlandes traditionnelles au profit de décorations multicolores, cette créature avait fait jaser. Cette année, tandis que les ornements colorés cohabitent avec de nombreuses guirlandes scintillantes traditionnelles, l’heure est moins à la polémique. «Je n’ai pas d’avis», confie la conseillère municipale macroniste Valérie Oppelt, à propos de cette mère Noël renommée. Foulques Chombart de Lauwe, élu d’opposition de droite et candidat déclaré aux prochaines municipales, reste également policé. Si elle fut un temps décriée, c’est parce que «l’année dernière, c’était triste, toute référence explicite à la fête traditionnelle avait été enlevée»

Le retour d’un certain esprit de Noël dans les rues, salué unanimement, vient faire redescendre les tensions. «Elle ne m’empêche pas de dormir, mais elle ne me fait pas beaucoup rêver», résume le conseiller. Et d’ajouter : «je ne suis pas sûre qu’elle soit comprise dans sa dimension politique». À l’inverse, son collègue Guillaume Richard, conseiller municipal de l’opposition (de droite), regrette : «On est encore en plein wokisme sur une période où on n’a pas envie». «C’est un combat politique que la maire mène sur des périodes où on a juste envie de fêter Noël dans la tradition. Ce n’est pas un moment où l’on a envie de faire de la politique», affirme-t-il à propos de la vision de Johanna Rolland, dont l’un des objectifs est d’ailleurs de faire de Nantes une ville non-sexiste d’ici 2030. 

Déclinée en peluche

Car derrière cette créature, qui figure sur de grandes affiches et a même été déclinée en peluche, se niche une dimension symbolique. «Cette année, on s’est dit que ce serait drôle d’en créer une version doudou, que les enfants pourraient avoir comme une icône, comme un produit engagé», indiquait début novembre Amélie Evrard, chargée de projet au Voyage à Nantes, au moment de la présentation du programme 2024 des décorations de Noël. «Plus qu’un simple jouet, Petite maman Noël est un regard amusé et profondément politique sur le monde. Elle invite petits et grands à questionner les rôles genrés et à imaginer un monde où chacun et chacune a sa place», stipule le communiqué de presse du Voyage à Nantes. 

«Elle ne prend la place de personne, juste la sienne. Il n’y a pas à s’en offusquer, Noël est une tradition mouvante et sécularisée depuis longtemps. Modeste super-héroïne, cette femme “entre deux âges” nous rappelle que les femmes sont souvent celles dont Noël a besoin pour accomplir des miracles», écrit l’artiste Virginie Barré à propos de sa création qui fait partie d’une série «Super-héros» où ces derniers sont représentés dans des vêtements ordinaires.

Quand est apparue la mère Noël ? 

Mais d’où vient réellement la mère Noël ? Une légende russe évoque une femme, Babouchka, qui avait prévu d’aller offrir des jouets à l’enfant Jésus lors de sa naissance. Or, ayant perdu la trace des rois mages dans la neige, elle aurait eu l’idée d’offrir les cadeaux aux enfants croisés sur son chemin. Ce conte reste toutefois bien différent de la figure de la Mère Noël plus contemporaine, qui ne distribue pas les cadeaux mais vient en aide au Père Noël. 

«On a d’abord parlé de la Mère Noël en Amérique. C’était Mistress Santa Claus, elle a été créée pour superviser l’atelier du Père Noël. Elle l’aidait, au même titre que les elfes», explique Nadine Cretin, spécialiste des relations entre le territoire et ses usages festifs, rituels et spirituels. «Puis, elle fut mentionnée dès 1849 dans un conte de Noël “A Christmas Legend”, de James Rees, écrivain de Philadelphie, d’après les notes prises par un missionnaire local», complète l’historienne des fêtes, qui en parle dans son ouvrage «Histoire du Père Noël» (Le Pérégrinateur, 2010). Après avoir à nouveau été évoquée dans un magazine américain pour enfants en 1881, ou encore dans un poème en 1899, «c’est surtout dans les années 1950 que son personnage d’aide du Père Noël (comme les elfes) s’est très progressivement multiplié», notamment avec l’émergence de Rovaniemi, un village-atelier du Père Noël sur le cercle polaire. 

«Elle fait partie du folklore de Noël en particulier aux États-Unis : on n’hésite plus à la représenter dans les parades un peu comme une patineuse artistique, en tutu de velours vert foncé bordé de fourrure blanche, avec un bonnet de même couleur, les jambes couvertes de collants blancs au bras de Santa (vêtu de rouge et blanc, lui, traditionnellement)», détaille encore Nadine Cretin, évoquant notamment la parade de Thanksgiving, du 23 novembre 2001. Aujourd’hui, «en France, elle est beaucoup moins présente. On en parle peu». Sauf à Nantes, où les habitants seraient chanceux de la côtoyer à en croire Jean Blaise, le patron du Voyage à Nantes : «La Petite maman Noël a accepté de revenir à Nantes, sa ville, alors qu’on nous la demandait ailleurs». En effet, une commune, dont le nom n’a pas été révélé par souci de confidentialité, l’aurait réclamée.