Crema Bueno, cette pâte à tartiner normande au succès fulgurant

Quand une tendance virale sur les réseaux sociaux fait les affaires d’une petite entreprise normande. Depuis quelques jours, la pâte à tartiner française Crema Bueno voit sa popularité s’envoler et son carnet de commandes exploser. Une belle réussite pour son producteur, l’entreprise Aracao, qui bénéficie surtout des déboires d’une de ses concurrentes bien connue.

Grand succès sur les réseaux sociaux cette année, la fameuse pâte algérienne El Mordjene, vendue depuis 2021 en Algérie, a en effet été interdite en Union européenne : elle ne remplissait pas les conditions nécessaires à l'exportation des marchandises qui contiennent «des produits laitiers destinés à la consommation humaine», ont estimé récemment les autorités de l’Union. Une bien mauvaise nouvelle pour l’entreprise... Ainsi qu’une belle opportunité pour Aracao, dont la pâte à tartiner, semblable à El Mordjene, est mise en avant.

«Malheureusement, l'interdiction de l'Union européenne, nous a mis en lumière», ironise Alexandre Cousin, cogérant de l'entreprise normande. Hasard du calendrier, cette interdiction a coïncidé avec la mise en rayon de Crema Bueno mi-septembre, dans «trois, quatre» grandes et moyennes surfaces. Et dans l'un d'entre eux, les chiffres communiqués donnent le tournis : autour de 400 pots ont été vendus lors du week-end de lancement contre 80 pots de Nutella. Par l'exposition vertigineuse qu'offrent les réseaux sociaux, la boîte mail de l'entreprise s'est remplie à une vitesse éclair de franchisés et de centrale d'achat souhaitant commercialiser le produit. En un rien de temps, un contrat est déjà signé avec les centrales d'Auchan et de Leclerc. Parallèlement, des discussions s’engagent avec Système U, relate Alexandre Cousin.

 Chez Aracao, la logistique doit suivre

Si d’autres alternatives à la pâte à tartiner algérienne existent, le succès de Crema Bueno semble s’expliquer par son prix, environ trois euros en rayon. À titre de comparaison, l’entreprise concurrente Le comptoir de Mathilde n’a pas constaté d’effet rebond à la tendance El Mordjene, malgré un produit équivalent, vendu huit euros. «Nous misons, quant à nous, sur la fidélité au long terme de nos clients, et une plus forte teneur en cacahuète que nos concurrents», explique Estelle Faucher, directrice marketing au comptoir de Mathilde. 

Du côté de l'entreprise normande Aracao, ce succès inopiné, a fait doubler l’effectif de sept à seize employés, et jusqu’à vingt-trois employés à la fin du mois d’octobre. La société s’est convertie à un fonctionnement en 3x8, permettant de fonctionner 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Un effort important, qui reste malgré tout insuffisant pour fournir les «10.000 pots par jour» réclamés aujourd’hui par les consommateurs, témoigne l’entreprise, aujourd’hui capable de sortir 3500 pots par jour.

Déjà sur le pont seize heures chaque jour pour accompagner cette ascension éclair, Alexandre Cousin s'appuie sur le réseau Entreprendre, une communauté de chef d'entreprise, qui l'aide sur le marketing, et le développement de l'entreprise. Aracao reçoit par ailleurs également des dizaines de CV de France Travail pour répondre à ses besoins de recrutement dans une zone - la Seine-Maritime - particulièrement touchée par la désindustrialisation.

La société va désormais devoir répondre à plusieurs défis, et se met en quête de main-d’œuvre dans «d'autres corps de métiers : magasiniers, logisticiens, et commerciaux», explique Alexandre Cousin. Les locaux actuels pourraient devenir trop petits rapidement, et le groupe, qui a besoin d’argent pour financer ses pots en verre, va lever des fonds. «Ça ne devrait pas poser de problèmes, les banquiers sont nos amis quand une entreprise cartonne, n'est-ce pas ?», sourit l'entrepreneur normand.