Thunderbolts*, Little Jaffna, Tu ne mentiras point...Les films à voir et à éviter cette semaine
Little Jaffna - À voir
Policier/Drame de Lawrence Valin - 1h39
À Paris les rues sont méchantes. Little Jaffna, quartier situé entre le 10e et le 18e arrondissement, qui abrite la communauté tamoule depuis les années 1970, est au premier abord joyeux et bariolé. Le spectateur y pénètre lors de la fête de Ganesh, en 2008. Sous les masques et les tuniques colorées, la réalité est moins réjouissante. Aya, chef du gang des Eelam Boys, rackette les commerçants pour financer la lutte des Tigres au Sri Lanka. Le trafic de clandestins et de drogue, surtout, en fait un grand argentier redoutable et redouté. Habile avec une batte de cricket, Aya peut torturer un homme à coups de balles frappées sur le visage et le corps. Michael, policier chargé d’infiltrer le groupe criminel, s’en approche par l’entremise de Puvi, bras droit d’Aya fou amoureux de la fille d’un gang rival.
Little Jaffna met en scène le conflit de loyauté de Michael, lui-même fils d’un Tigre tué au combat, taupe écartelée entre deux cultures. Pour son premier long-métrage, Valin n’a pas froid aux yeux. Son film a des gueules comme on n’en voit jamais dans le polar français - les charismatiques Puviraj Ravendran (Puvi) et Vela Ramamoorthy (Aya) en tête. É. S.
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Une pointe d’amour - À voir
Comédie de Maël Piriou - 1h24
C’est le genre de comédie dramatique sur laquelle on n’aurait pas vraiment parié sa chemise. On aurait eu tort, car on ressort du premier film de Maël Piriou, Une pointe d’amour, l’esprit léger et l’humeur aussi joyeuse que vagabonde. Mélanie, avocate en situation de handicap, ressort un peu chamboulée d’un examen IRM plutôt déprimant. Atteinte d’une maladie incurable qui écourte son espérance de vie, elle décide d’organiser une virée en Espagne pour y découvrir les plaisirs du sexe dans une maison close inclusive. Dans son équipée sauvage, Mélanie embarque Benjamin, son ami le plus cher, tétraplégique timide et réservé, également avocat, ainsi que Lucas, un voleur à la petite semaine bourru fraîchement sorti de prison dont elle défend le dossier. Une pointe d’amour réserve bien des surprises.
Road movie brinquebalant en forme de voyage thérapeutique, cette jolie romance sur le handicap brille surtout par son écriture affûtée et ses dialogues bien troussés. Le rythme est là. La tendresse aussi. La complicité entre les acteurs saute aux yeux. Drôle, touchant, pudique et plein de tendresse sur un sujet grave, Une pointe d’amour pique le spectateur en plein cœur. O. D.
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Tu ne mentiras point - À voir
Drame de Tim Mielants - 1h38
Après le spectaculaire biopic de Christopher Nolan Oppenheimer, pour lequel il a décroché en 2024 l’Oscar du meilleur acteur, Cillian Murphy revient sur les écrans dans un récit ascétique, tout en introspection et sobriété. Tu ne mentiras point revient sur un pan douloureux et tabou de l’histoire irlandaise : les couvents de la Madeleine. L’acteur prête ses traits à Bill Furlong, le charbonnier de la petite ville de New Ross. Son camion parcourt le comté pour y faire ses livraisons de briques de tourbe et de sacs de charbon.
En déposant une commande au couvent, Bill voit une jeune femme y être amenée de force par ses parents. Quelques jours plus tard, il découvre dans la réserve à charbon de l’institution une adolescente enceinte enfermée et battue. Doit-il l’aider ou passer son chemin ? Le long-métrage choisit le silence pour instaurer une forme de malaise. Les dialogues sont parcimonieux, son protagoniste élusif. Un registre dans lequel Cillian Murphy excelle depuis toujours. C. J.
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Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé - À voir
Comédie dramatique de Bogdan Mureanu - 2h18
Cela se passait en Roumanie. Là-bas, le père Ubu s’appelait Ceausescu. Le 20 décembre 1989, les destins de six personnages vont se croiser dans un Bucarest au bord de la révolte. Une actrice refuse de se produire dans une émission à la gloire du régime. Elle se fait porter pâle, se saoule au gros rouge. Comment lui trouver une remplaçante ? Un gamin envoie au Père Noël une lettre où il réclame la mort de l’oncle Nico alors qu’il voulait une locomotive comme cadeau et que son père lui a offert un plumier. Un étudiant envisage de se réfugier à l’Ouest à bord d’une voiture déglinguée. Une vieille dame, ancienne du PC, revenue de ses illusions, refuse de quitter sa maison, qui doit être démolie. On le voit, la colère gronde. La dictature vit ses ultimes soubresauts et personne ne le sait.
Dans Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé, cela s’agite, soupire, craque de toutes parts. Un grand meeting se prépare, censé soutenir le pouvoir en place. Le spectateur, au début, se perd un peu dans ce puzzle, avant de se glisser dans ce gymkhana d’interdictions, cet univers où tout le monde marche sur des oeufs. Le cinéaste offre un éclairage intime à cet événement capital. Le résultat sidère. Pas une seconde de trop. On y est. On comprend tout. Le film en dit plus long que des tonnes d’archives. É. N.
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Thunderbolts* - On peut voir
Film d’action de Jake Schreier - 2h06
À la manière d’Avengers, Thunderbolts* assemble une équipe de losers dysfonctionnels, mercenaires désuvrés et perclus de doutes forcés de se serrer les coudes lorsque leur commanditaire entend les liquider. Yelena Belova, sœur de combat de la défunte Black Widow, retrouve leur mentor, ancienne idole soviétique, Red Guardian, l’agile Ghost aux capacités de passe-muraille et le soldat John Walker, bref remplaçant et fade ersatz de Captain America. Cette troupe, qui aurait bien besoin d’un psy pour lutter contre les idées noires, accueille aussi un certain Bob, patient zéro d’une expérience qui a mal tourné. Il ne sait pas trop ce qu’il fait là mais il suit le mouvement.
Le film s’engouffre sur des thèmes plus sombres et plus adultes en abordant les questions de santé mentale : dépression (littéralement l’ennemi numéro un), deuil, quête de sens, culpabilité. Thunderbolts* opte, quand cela est possible, pour des trucages manuels et des décors naturels. Ce côté naturaliste transparaît dans les performances sincères des comédiens, à qui le scénario laisse des moments d’introspection pour explorer leurs traumas. C. J.
Les Linceuls - On peut voir
Drame/Science Fiction de David Cronenberg - 2h
Le héros s’appelle « Karsh » (Vincent Cassel). Entrepreneur dans les nouvelles technologies, il reste inconsolable après le décès de sa femme. Pour tenter d’apaiser sa douleur et faire son deuil, Karsh a imaginé un système révolutionnaire de linceuls numériques permettant aux vivants de se connecter à leurs chers disparus, et observer la décomposition du corps dans le cercueil. Son cimetière high-tech, baptisé « GraveTech », a rencontré un vif succès. Une nuit, plusieurs de ces stèles numériques sont vandalisées, dont celle de sa femme. Karsh mène l’enquête.
Les Linceuls s’affirme comme une uvre intimiste, un film funèbre à la poésie troublante qui raconte la douleur incommensurable de ceux qui restent. Il plonge aussi dans une sexualité post-traumatique vertigineuse, qui passe par un désir charnel réactivé à travers mutilations, amputations, sutures et autres ablations. On reconnaît bien là l’obsession de Crash, adapté de James Ballard et réalisé par Cronenberg en 1996, où les héros ne cherchaient la jouissance des corps que dans la violence des accidents de voiture et l’intrication de chair et de métal. O. D.
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