«Tout reste gravé dans ma mémoire» : Flora Vautier savoure toujours Paris 2024

À 20 ans tout juste, Flora Vautier a décroché la médaille de bronze aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 en compagnie de Florian Merrien. Une première ô combien réussie, d’autant plus que la jeune femme, de par son sourire, a marqué les esprits et donné de l’espoir à de nombreuses petites filles qui, comme elle à l’âge de 13 ans, ont été victimes d’un accident de la vie. Sans que celle-ci ne s’arrête, bien au contraire. Véritable symbole de résilience, la pongiste de Nîmes était présente lors des Étoiles du Sport à Tignes fin novembre. l’occasion rêvée de faire plus ample avec elle et d’évoquer notamment son fol été. 

Flora, comment allez-vous depuis la fin des Jeux paralympiques ?
Flora Vautier : Ça va super. Je profite un peu de tout cet engouement car je ne sais pas combien de temps ça va durer. Donc j’essaie vraiment de répondre à toutes les sollicitations, même si j’ai repris les entraînements. Du coup, il faut un peu lier les deux. Mais j’adore cette vie-là, je profite tout le temps et je fête encore tout le temps cette médaille. Ce n’est pas simple tous les jours de concilier cela avec les entraînements mais c’est un métier et j’apprends au jour le jour.

Votre vie a-t-elle totalement changé depuis votre médaille ?
Totalement, je n’irais pas jusque-là mais oui, elle a un peu changé. Il y a quand même plus de reconnaissance, ce qui me pousse à être un peu plus dans la création de contenus, dans le montage de vidéos, ce que j’apprécie beaucoup. Et sportivement, j’ai désormais plus confiance en moi. Tout cela fait qu’aujourd’hui, vraiment, je ne prends que du plaisir.

Est-ce qu’il y a quand même un risque de se perdre un petit peu dans tout ça ?
Je pense, oui. Après, je pense que j’ai le caractère qui va avec. Il y en a beaucoup qui ont pensé que j’allais me perdre déjà aux Jeux avec les réseaux sociaux. J’ai pu leur prouver que non. En fait, c’est vraiment ce que j’aime faire. Du coup, je ne vais pas me mettre en danger. Si j’ai envie de le faire, c’est parce que j’ai envie de le faire, et pas parce que je suis obligée, et pas pour donner une image de moi différente.

Financièrement, ce podium paralympique a-t-il changé votre vie ? Recevez-vous beaucoup de sollicitations de la part de partenaires et/ou sponsors ?
Non, pas forcément. Là, on attend qu’il y ait plus de sponsors et plus de partenaires mais pour le moment, je pense que c’est un peu difficile dans toutes les entreprises, en termes de budgets à la fin de l’année après Paris 2024, parce qu’elles ont déjà beaucoup donné. Donc on attend début 2025 pour en savoir un peu plus. Pour le moment, on ne sait pas quels sponsors vont être reconduits, pas reconduits, et je ne peux pas trop vous en dire plus par rapport à ça.

Quels souvenirs précis vous reste-t-il des Jeux ? Y a-t-il des moments auxquels vous repensez très souvent ?
Franchement, tout reste gravé dans ma mémoire. Il y a d’abord cette cérémonie d’ouverture que je voulais vraiment vivre, même si je jouais le lendemain matin. C’était un risque à prendre, et je l’aurais assumé même si j’avais été nulle le lendemain. Il s’agissait de mes premiers Jeux et je voulais vraiment que cette cérémonie ouvre mon aventure paralympique, que j’espère longue. Ensuite, il y a le Club France aussi, dont je garde des souvenirs vraiment incroyables. Ma médaille, aussi, évidemment. En fait, il y a plein de souvenirs qui ne sont pas forcément liés uniquement à moi, mais aussi aux performances des autres. Il y a plein de fois où j’étais tellement heureuse pour untel ou untel.  

C’est cool que les jeunes arrivent et que la visibilité du tennis de table se développe, avec évidemment les performances des frères Lebrun qui aident énormément.

Flora Vautier

Est-ce que lors des Jeux Olympiques, vous étiez allée voir le tennis de table pour sentir l’ambiance ?
Alors pas du tout. En fait, je suis allée voir le rugby à 7. Je vois du tennis de table toute l’année, donc j’aime bien découvrir d’autres sports qu’on ne voit pas forcément. J’y suis allée avec mes collègues de l’équipe de France et c’était une ambiance incroyable. Je n’avais jamais vécu ça dans un stade puisque je ne vais pas voir le foot. Il y avait tous les supporters qui étaient là, et à la fin je me souviens que nous nous étions dit entre nous : «waouh, vous imaginez si c’est ça aussi pour nous ?» C’était impressionnant, et je pense qu’on ne peut pas l’imaginer tant qu’on ne l’a pas vécu.

Mesurez-vous l’immense engouement qu’il y a autour de votre discipline, avec une explosion du nombre de licencié(e)s ?
Oui, franchement, c’est trop bien. Et puis il fallait que ça arrive dans notre sport car sinon, il n’y allait avoir que des retraités (rires). Donc c’est cool que les jeunes arrivent et que la visibilité du tennis de table se développe, avec évidemment les performances des frères Lebrun qui aident énormément. L’engouement qu’il y a eu autour de notre double aussi a beaucoup aidé en handisport.

Pouvez-vous nous rappeler comment vous êtes venue au tennis de table ?
C’était vraiment par hasard, il y a environ six ans de cela. Au centre de rééducation, j’ai essayé plusieurs sports et parmi ceux-ci, il y avait le tennis de table qui est l’un des sports les plus ouverts à tout type de handicap. On peut aussi jouer contre des personnes valides, ce qui est vraiment top dans ce sport. Après, mon intérêt s’est développé au fil des rencontres. Au début, je n’aimais pas trop ça. J’en faisais parce qu’il fallait que je refasse du sport, par nécessité. Et puis j’ai rencontré les bonnes personnes, au bon moment, qui m’ont fait continuer, qui m’ont fait aimer ce sport. Et je pense que c’est pour ça que j’en suis là aujourd’hui aussi.

À quel moment avez-vous commencé à rêver des Jeux et à viser plus haut qu’une simple pratique ?
Je suis rentrée dans un CREPS quand j’étais en seconde, en 2019. À ce moment-là, je me suis dit là qu’il fallait vraiment que je m’y mette à fond. Donc je commençais à faire deux entraînements par jour et je sentais qu’il m’en fallait plus. Après, je suis partie sur Nîmes et là, j’étais avec un entraîneur de l’équipe de France, ce qui m’a permis d’intégrer l’équipe de France handi. Je savais qu’il fallait vraiment que je donne tout si je voulais me qualifier, avant de pouvoir penser à faire une médaille, car le process était super dur. D’ailleurs, ma qualification pour Paris 2024 s’est vraiment jouée sur le dernier tournoi, et derrière, je décroche cette médaille alors que pendant longtemps, j’ai pensé ne pas y être. Tout s’est enchaîné très, très rapidement, ce qui fait que je n’ai pas vraiment eu ce moment où je me suis dit que je devais viser le podium. Et c’est cela qui a fait que les émotions étaient vraiment décuplées, que ce soit avec la famille, les supporters, mon partenaire ou encore mon entraîneur.

Chez moi, le sourire, c’est inné, je l’ai tout le temps, et j’adore ça. Je n’ai jamais perdu ce sourire. C’est ce qui a fait aussi, je pense, que je me suis vite reconstruite après mon accident.

Flora Vautier

Comment voyez-vous la suite maintenant ? Avez-vous des aspirations à briller également en simple ?
Je suis focalisée sur le simple pour performer individuellement, ce qui est fondamental à mes yeux. Après, on ne sait pas encore trop si le système de points et les règles vont changer en double, donc je ne sais pas si on va pouvoir continuer ensemble avec Florian. Du coup, mon objectif immédiat est vraiment de m’entraîner à fond pour progresser individuellement. Et après, ça se fera tout seul.

Votre association avec Florian restera forcément spéciale pour vous, alors même que vous avez des personnalités très différentes…
Oui, on est très différents mais aussi super complémentaires. Il a été là dès que j’ai commencé le ping, il m’a souvent aidée, il venait au Creps pour m’entraîner, me donner des conseils… On s’entend vraiment super bien, même avec sa famille et la mienne. C’est trop bien parce qu’il n’y a pas que dans le ping qu’on arrive à être complémentaires. J’ai fait mes premières grosses compétitions avec lui et franchement, heureusement qu’il a été là parce que je pense que sinon, j’aurais pu peut-être me perdre dans le stress et moins bien gérer mes compétitions. À chaque fois, il a su me dire les bons mots pour me motiver quand c’était plus compliqué parce que je ne performais pas beaucoup. J’étais la plus jeune de ma catégorie, avec le moins d’expérience et forcément, dès que c’était serré, je perdais. Or, je déteste perdre donc c’était super compliqué mais il a vraiment été là pour moi. C’est ce qui fait que dans les moments où on performe ensemble, c’est encore plus beau.

Durant les Jeux, et même en règle générale, vous arborez toujours un grand sourire. Celui-ci est-il important aussi pour vous afin de changer la vision du handicap, de voir qu’une jeune femme peut être épanouie malgré un accident de la vie ?
Oui, c’est même le plus important parce que si je n’ai pas ce sourire, je ne peux pas performer, je ne peux pas m’entraîner, je ne peux pas prendre du plaisir et en procurer aux autres aussi. Chez moi, le sourire, c’est inné, je l’ai tout le temps, et j’adore ça. Je n’ai jamais perdu ce sourire. C’est ce qui a fait aussi, je pense, que je me suis vite reconstruite après mon accident. C’est ce qui fait que j’essaye de prendre du plaisir dans tout ce que je fais, et c’est aussi ça que je montre sur les réseaux sociaux, que ce n’est pas parce qu’on a eu un grave accident, que ça a été forcément tragique et que ce n’était pas facile à vivre, qu’on ne peut pas garder un peu de positif afin de se relever plus vite.

Avez-vous beaucoup de petites filles ou d’adolescentes qui vous contactent ?
J’ai beaucoup de parents surtout qui me contactent, et qui me disent que leur petite fille s’est mise au tennis de table et qu’elle veut jouer comme moi. C’est vraiment trop touchant. Et puis des parents me demandent des conseils sur comment leur enfant, malgré le fait d’être en fauteuil, va pouvoir conduire, sur comment je fais pour habiter seule… Plein de conseils comme ça sur lesquels je suis vraiment archi-ouverte. Et je m’efforce de leur faire comprendre que leur enfant, ce n’est pas parce qu’il est en fauteuil qu’il ne va rien pouvoir faire. Il va faire sa vie comme tout le monde, il va profiter, il va kiffer, il va faire peut-être même plus de choses qu’une personne valide. Donc ne vous en faites pas, juste accompagnez-le, aidez-le, sans trop être sur son dos et le surprotéger parce qu’il a un handicap parce que ça, c’est mauvais.