Cinq nominations aux Oscars pour "Anatomie d'une chute" : "Je pleure rarement, mais ça m'a bouleversée", réagit la réalisatrice française Justine Triet sur franceinfo
"Je suis très émue, je n'avais pas trop imaginé ça", a réagi mardi 23 janvier auprès de franceinfo la réalisatrice française Justine Triet, après les cinq nominations de son film Anatomie d'une chute aux Oscars, dont celle de "meilleur film".
"Je pensais que nous serions nommés seulement pour le scénario, explique-t-elle. C'est une grande joie." Justine Triet est nommée dans la catégorie "meilleure réalisation", l'actrice Sandra Hüller est nommée pour "meilleure actrice". Le film est également nommé pour la catégorie "meilleur montage" et "meilleur scénario original". "C'est très touchant de partager ça et d'être tous ensemble dans cette nomination. "Je pleure rarement, mais quand j'ai vu le nom de Laurent Sénéchal [nommé pour le "meilleur montage"], ça m'a bouleversée, ajoute-t-elle. Ce sont des gens qui se donnent de manière hyper intense dans le travail."
franceinfo : "Anatomie d'une chute" reçoit donc cinq nominations pour les Oscars... Dans quelle émotion êtes-vous ?
Sandrine Triet : Ça me touche beaucoup. Je vous avoue que je pleure rarement, mais quand j'ai vu le nom de Laurent Sénéchal [nommé pour le "meilleur montage"], quand ils ont prononcé son nom, ça m'a bouleversée. On a passé huit mois enfermés dans une petite pièce à se poser plein de questions, avec plein de doutes, etc. Et de voir qu'il est nommé, ça me touche énormément. Ce sont des gens qui se donnent de manière super intense dans le travail. Et puis Sandra [Hüller], n'en parlons pas ! Arthur [Harari, coscénariste], aussi. C'est très touchant de partager ça et d'être tous ensemble dans ces nominations.
Au mois de mai, vous avez reçu la Palme d'or, ça a été le début d'une longue spirale de reconnaissance : sept nominations aux Bafta britanniques, deux Golden Globes (meilleur scénario et meilleur film en langue étrangère). C'est un peu vertigineux. Ce n'est que du positif ou vous êtes épuisée par tout ça ?
Non, franchement ! Globalement, on ne va pas se plaindre ! En plus, moi, je n'ai pas 20 ans. Je pense que quand on a un succès pareil quand on est très jeune, c'est quelque chose qui n'est pas vraiment savouré de la même manière. Là, le fait d'avoir eu déjà d'autres films avant qui ont plus ou moins marché, évidemment, c'est très, très émouvant. On sait que ça ne se produit pas dix fois dans la vie, donc on essaie d'en profiter. C'est quelque chose de super beau de voyager avec ce film, de voir les réactions, les gens qui me parlent de leur vie, qui me disent : j'ai l'impression que vous avez mis des caméras chez moi... Voilà, ça nous dépasse aussi. Je pense que le film ne nous appartient plus, maintenant. C'est un objet qui n'est plus à nous, en fait. Et c'est ce qu'il y a de merveilleux quand on crée quelque chose, dans l'art : c'est quand ce quelque chose ne nous appartient plus, que les autres se l'approprient.
Est-ce qu'avec tout ça, vous avez le temps de vous mettre sur un prochain projet? Et comment on fait pour ne pas prendre la grosse tête ?
Alors... La réponse à la première question : non, malheureusement, je ne fais que de la promo, donc j'ai beaucoup de mal à me mettre à un projet, mais j'ai hâte de le faire. Et pour la deuxième question, sur la grosse tête : j'ai une capacité à l'autocritique très, très développée. Les gens proches de moi qui me connaissent le savent. J'ai du mal à être dans la flatterie permanente autour de moi. Par ailleurs, le film je ne l'ai pas revu depuis la projection de Cannes. La pression est là pour le prochain projet, le prochain film. Ce qui compte, c'est ce qui va se passer après. On le sait, qu'on ait des prix ou pas, c'est toujours aussi difficile de faire un film. Donc les prix, c'est super, mais comment dire... Ce n'est pas naturel !