La cathédrale de Strasbourg plongée dans le noir à 23 h : la maire écologiste rétropédale devant la polémique

La cathédrale de Strasbourg tous feux éteints à 23 heures : depuis trois semaines, c’est le spectacle offert aux Alsaciens et aux touristes chaque soir. Et depuis, la colère des élus de l’opposition contre Jeanne Barseghian, maire Les Écologistes, ne fait qu’enfler. Les premiers messages de citoyens alertant les élus de Strasbourg ont commencé à affluer fin septembre. Au lieu d’être éteinte à 1 heure du matin, la cathédrale est plongée dans le noir deux heures plus tôt. La mairie n’a rien annoncé de tel. L’opposition ne s’affole pas et croit à un souci technique ou à une maintenance. Le clergé ne dit rien non plus.  

Le 18 octobre, tout bascule. Olivier Hannauer, le plus célèbre des photographes de la ville publie un cliché sur son compte «La Chouette Photo» sur Facebook. On y découvre le bâtiment dans le noir le plus absolu. « Vous m’aviez promis de ne pas toucher à Notre-Dame, vous m’aviez promis lors de l’inauguration de mon atelier que les monuments seraient éclairés, que ce n’était qu’une passe comme vous l’aviez encore confirmé par courriel il y a trois semaines. Vous m’avez menti !», se fâche le photographe. 

Le 18 octobre, le photographe Olivier Hannauer publie un cliché de la cathédrale plongée dans le noir vue de la rue Mercière. Capture facebook La Chouette Photo

Comme l’éclairage public tient compte de celui sur la cathédrale, les lampadaires sont éteints et tout le quartier est dans le noir. Vendredi 18 octobre dans le quotidien régional DNA, Pierre Ozenne, adjoint en charge de l’Éclairage, explique que c’est une décision politique. Pour des raisons écologiques et financières, il faut être exemplaire. Ses déclarations font scandale.  

En 2022, la maire Jeanne Barseghian et son premier adjoint Syamak Agha Babaei avaient en effet fait adopter un plan d’urgence pour réduire la consommation électrique de la ville en restreignant l’éclairage public. L’édile annonçait éteindre les bâtiments publics dès 23 heures et non plus à 1 heure comme c’est prévu au niveau national. Depuis deux ans, l’église Saint-Thomas, l’Opéra, l’église Saint-Paul comme l’Hôtel de ville s’éteignent donc à 23 heures. La cathédrale n’était pas concernée par ce plan. Son éclairage conçu par la société Acte Lumière est basé sur un système de basse consommation. Quand elle est allumée plein feux, elle consomme l’équivalent de dix fers à repasser en marche en même temps. 

« L’éteindre dès 23 heures entraîne une économie de 4,80 euros par soir soit 1700 euros par an, autant dire que c’est très utile, grince Pierre Jakubowicz, à la tête du groupe d’opposition Centristes et Progressistes. C’est d’autant plus insupportable qu’au même moment, la mairie éclaire de plein feu en vert, le si laid bâtiment des années 1970 d’Eurométropole. » L’élu publie plusieurs tweets montrant la cathédrale avant/après. Il ajoute également un extrait très drôle des Visiteurs de Jean-Marie Poiré où Béatrice de Montmirail (Valérie Lemercier) demande à Jacquouille La Fripouille (Christian Clavier) d’arrêter de jouer avec l’interrupteur dans son salon. «Jour, nuit» dit Jacquouille. «C’est lassant Monsieur Ouille», soupire-t-elle. «Toute ressemblance avec la politique d’éclairage de la cathédrale de Strabourg par la municipalité EELV serait purement fortuite», commente Pierre Jakubowicz sous son post. 

Devant le tollé, Pierre Ozenne, l’adjoint à l’Éclairage, rétropédale. En l’espace de 24 heures, il va multiplier les versions contradictoires. D’abord, il aurait fallu éteindre la cathédrale à cause des orages. L’opposition va regarder la météo. En trois semaines, il n’y a eu des intempéries que sur 48 heures. Puis il accuse les journalistes d’avoir déformé ses propos. Enfin, il redit que c’est un choix volontaire. À la mairie, c’est la panique. Les services reçoivent en urgence l’ordre de rallumer le plus vite possible la cathédrale. Samedi soir, seul le haut de la flèche était allumé d’un voyant rouge. Une obligation pour alerter les avions qui passent au-dessus. 

Dimanche soir, la cathédrale n'a conservé l'éclairage que de la pointe de sa flèche. Capture Facebook La Chouette Photo

La polémique enfle à tel point que dimanche sur le coup midi, Jeanne Barseghian sort du bois sur ses réseaux sociaux. Elle déplore une extinction à 23 heures, « ce qui ne devrait pas se produire » et met en avant « un incident technique ». Cette fois, c’est l’hallali. «En politique, on a le droit de se tromper. Et encore mieux, de reconnaître ses erreurs, dit Jean-Philippe Vetter, élu LR. Jeanne Barseghian fuit de manière assez peu élégante ses propres responsabilités. »

Pierre Jakubowicz va plus loin. « Maintenant que la maire EELV a retrouvé le bouton de la cathédrale, elle pourrait retrouver ceux de nos quartiers. » Et d’expliquer : « depuis un an et demi, au nom de la biodiversité, la maire fait éteindre des quartiers entiers entre minuit trente et cinq heures et demie du matin. Cela va de Neuestadt classé par l’Unesco à l’Esplanade en passant par l’Orangerie. » Pour l’élu d’opposition, « la mairie aurait pu éteindre un lampadaire sur deux ou faire installer des Led. Les mairies qui l’ont fait autour de Strasbourg ont réduit de 90% leur facture d’électricité. La consommation peut être réduite grâce à l’innovation mais la mairie de Strasbourg ne pense qu’à éteindre, à restreindre et à revenir en arrière. » Et tant pis pour les soucis de sécurité ou plutôt de la «tranquillité publique», le titre officiel de l’adjointe à la sécurité. « Arbres en pot, brumisateurs... Nous avons droit à tous les gadgets écologiques pour faire du greenwashing. Strasbourg mérite mieux. Il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles. Ce tollé autour de la cathédrale rejoint celui sur la fermeture des musées municipaux et autour du patrimoine. La mairie n’est jamais responsable de rien et ne se remet jamais en cause. Elle est d’une légèreté incroyable », se fâche Pierre Jakubowicz.